Histoire de voir … histoires au pluriel
24 octobre 2023 à 13h00 au 24 octobre 2025 à 14h00
Louise Michel Thiers tableau by Sandrine Daniel
1871/2021, il y a 150 ans ce fut la Commune de Paris. A cette occasion Sandrine Daniel a réalisé un nouveau tableau autour d’une grande révolutionnaire incarnant la lutte révolutionnaire et l’esprit de la Commune de Paris : Louise Michel Thiers tableau by Sandrine Daniel. Elle nous en parle.
Pour ce nouveau « tableau militant», j’ai choisi un petit format, compact, synthétique, percutant, comme pouvait l’être Louise Michel, que ce soit pour dénoncer les incohérences qui mettaient le peuple en grande souffrance, ou foncer au combat, physique, comme un vrai soldat. Du coup, pas de langue de bois. On dit, sans tergiverser, et on fait, aussitôt !
Tout est à fleur de peau, irrite de façon insupportable, alors elle attaque, incisive, rien ne passe à la trappe !
Néanmoins, du fait de cette image de fonceuse, très physique, la « vierge rouge » ainsi qu’on l’a nommée en cohérence avec un champ lexical qui colle à la condition et au statut des femmes de son époque et d’après, sous cet habit caricatural dont la postérité l’a affublée, nous fait oublier les facettes multiples de cette femme simplement remarquable, et qui sont les fondements de la tonicité de son élan vital.
Aussi, quitter la surface des choses pour revenir au fond, au travers de quelques symboles fut ma trame.
Car ce qui me plaît chez Louise Michel c’est que chaque situation qui dérange sa conscience ne dure pas bien longtemps, ce qui pourrait la ronger à l’intérieur, lui briser le cœur, elle l’expulse viscéralement, avec force et esprit.
Tout est pensé en profondeur et non selon un mode exclusivement impulsif comme on serait tenté de le croire de prime abord.
Renommer l’avenue Thiers et l’honorer du nom de Louise Michel
Sa curiosité en éveil constant, son désir de se nourrir de tout ce qui n’est pas elle, prête à aimer tout simplement, tout est matériau qu’elle collecte inlassablement pour nourrir ses réflexions, ne pas perdre une occasion de réfléchir mieux pour s’assurer de penser juste, de s’enrager juste, de porter des coups pour que ce soit toujours plus juste et que personne ne soit lésé. Le lynchage n’est pas son credo, elle a trop de noblesse pour cela.
Elle est l’antithèse du héro de La Perle de Steinbeck, elle ne subit jamais. Quoi qu’il reste face aux souffrances, elle rebondit, construit, invente de nouvelles voies pour dire envers et contre tout/tous : pas grave, regardez, je trace ma route, même pas mal ! Et en plus, je m’éclate avec quelque chose de nouveau, de passionnant… Vous ne m’enlèverez jamais rien, quoi que vous fassiez.
Et elle laisse tout le monde sur place, rien n’a de prise, vous n’aurez pas sa peau , elle est déjà plus loin! Une autre lumière que celle de vos regards la guide.
Elle croit au progrès sans cautionner les abus, le travail de Eiffel la fascine.
Elle sait qu’on doit encourager et accueillir ses frères outre les frontières, aucune différence, elle partage volontiers son écharpe rouge pour mieux signifier à quel point nous sommes tous dans la même galère pour gagner notre liberté, avoir droit à un traitement humain, équitable, aimant.
Elle peut recevoir des souliers dont elle a pourtant bien besoin, elle aura très vitre croisé une autre moins résistante à qui les donner, car c’est plus juste ainsi. Et au fond, peu importe… Elle est déjà plus loin.
Elle affronte Thiers, bien en face.
L’hypocrisie n’a pas de place ici.
Car le moteur de Louise Michel, c’est sa droiture, couplée à la bonté.
La bonté éclairée, et la créativité pour répondre aux besoins urgents, avec les connaissances du moment, qu’elle s’efforce de toujours actualiser.
Et elle travaille sans relâche pour toujours davantage s’instruire des autres, quelle que soit la situation, elle progresse pour toujours faire mieux, ne perd jamais son temps.
Sa vie n’est pas définie par les règles hasardeuses imposées par les normes du moment, chimères humaines de ses contemporains…
Lucide, solide et indépendante, sa vie, elle la choisit. Tout en amour et en compassion, en réflexion permanente pour à la fois s’élever et apporter des solutions sensées avec humanité en toute chose.
Du cœur, de la tête et des actions concrètes !
Moderne bien avant l’heure, inspirante car porteuse de valeurs saines, ne redoutant pas d’afficher son désir de moralité.
Puisse-t-elle en ces temps électoraux servir d’exemple, et pas que pour la forme, habitués que nous sommes à ces respectueuses commémorations posthumes si indécentes !
La construction de ce thème fut comme une évidence : des symboles clés, un face à face où la lumière répond à l’ombre, les mains dans la matière pour signifier cette écharpe, témoin de relais d’un combat qu’on sait pouvoir mener car une figure inspirante et robuste nous a en quelque sorte parrainé.
Cette écharpe dédoublée, qu’il faut reliéfer, travailler au point de me sentir immergée dans ces directions qui deviennent finalement sous mes yeux et dans mes mains, tandis que les sensations induisent de nouvelles perceptions, rivières écœurantes de sang, qui se vomissent hors cadre comme si rien ne peut plus arrêter leur débit devenu exponentiel…
Ce sang, sur mes mains qui tentent de donner forme, palpable, dégoûtant, tellement présent et dérangeant, stigmate soudain de tout ce qui n’est pas fait, de tout ce qui est trahi, de tout ce qui en conséquence est meutri, broyé, emporté par le flot brutal et sans raison…
Que je reçois en pleine face comme un flux retour à toutes les situations insensées, criminelles, auxquelles il faut réfléchir à la hâte, sans arrêt, depuis des années, pour tenter en urgence d’estomper la trace des blessures quasi-mécaniques qui imprime sans ciller la chair de pauvres êtres abasourdis, effarés, emportés par le courant du cynisme glorifié car organisé sans que plus rien d’humain n’y soit invité.
Et puis les mots, ceux d’un imbus inculte de tout ce qui se trouve à portée de main tendue, gloussant son art de qualifier pour mieux mépriser, réduite amoindrir et tronquer, déplacer l’intime réalité, tout fausser pour soi briller… Et justifier qu’on peut assassiner.
Et Louise Michel, droite, tenace, ferme, et sans relâche toute en bonté.
Sandrine Daniel 29 mai 2021
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