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1er Mai, histoire de balles, de pavés et de casseroles
Une histoire du 1er mai en quelques dates
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Pour beaucoup le 1er mai c’est l’occasion d’un pont supplémentaire en mai, un jour de repos, occasion d’offrir du muguet aux êtres qui leur sont chers, bref de profiter d’une journée de loisirs printanier.
Pourtant le 1er mai est avant tout une journée de luttes, de résistances, de manifestations ouvrières.
1er mai 1886
A son origine le 1er mai 1886, est né aux États-Unis. Les conditions de vie et de travail sont très douloureuses pour les populations migrantes, les droits des travailleurs n’y sont pas reconnus. Répondant à leurs syndicats le 1er mai 350 000 travailleurs sont en grève pour obtenir la journée de huit heures.
C’est à Chicago à l’appel d’anarchistes et d’anarcho-syndicalistes que des milliers de personnes manifestent et qu’eut lieu un affrontement avec la police, connu sous le nom de massacre de Haymarket Square causant la mort de trois ouvriers et d’une quinzaine de policiers, victimes de l’explosion d’une bombe en fin de manifestation.
Trois syndicalistes anarchistes seront condamnés à la prison à perpétuité, cinq autres seront pendus le 11 novembre 1886 sans aucune preuve de leur culpabilité.
Trois ans plus tard la deuxième internationale socialiste réunie à Paris pour le centenaire de la Révolution française et l’Exposition universelle 1, décide sur la proposition de Raymond Lavigne 2, syndicalistes et homme politique, né en 1851 est mort le 24 février 1930 à Bordeaux, disciple de Jules Guesde 3 il fut le secrétaire de la fédération girondine du Parti Ouvrier Français, d’organiser chaque 1er mai une journée de manifestations avec pour objectif la réduction de la journée de travail à huit heures (soit 48 heures hebdomadaire, le dimanche étant le seul jour chômé).
1er mai 1891
Lors de la première célébration française et internationale de la journée d’action du 1er mai 1891, à Fourmies, malgré des arrestations préventives, une petite foule se réunit derrière le drapeau rouge et le slogan l « c’est les huit heures qu’il nous faut » est suivi par « c’est nos frères qu’il nous faut »
La tension monte, les cailloux volent, la foule pousse, l’officier fait tirer en l’air sans aucun résultat et donne l’ordre à la troupe de faire usage de leur nouveau fusil à répétition le fameux fusil Lebel, faisant 10 morts (hommes et femmes âgées de 11 à 30 ans) et 35 blessés.
C’est la fusillade de Fourmies, du nom de cette petite ville minière du nord de la France. Il aura un retentissement lui aussi nationale et internationale. Malgré la responsabilité des militaires, un procès poursuivra neuf manifestants, condamnant les meneurs dont Paul Lafargue4 à un an de prison.
Le 1er mai 1906
La France est en pleine crise. Plusieurs manifestations violentes se déroulent dans le pays contre les inventaires des biens du clergé.
Le 10 mars a lieu la catastrophe de Courrières,1099 mineurs y périssent à la suite d’un coup de grisou, déclenchant des grèves de protestation contre les conditions de sécurité dans les mines.
Clémenceau reconnaît le droit de grève, comme le droit au travail. Mais il fait envoyer la troupe contre les mineurs. Leur intervention déclenche là aussi des émeutes et l’appel à la grève générale pour la journée de huit heures. En réponse, le 1er mai, Clémenceau fait perquisitionner le siège de la CGT et arrête Victor Griffuelhes, son secrétaire et Gaston Lévy, son trésorier.
Pour ce 1er mai, Paris est en état de siège, 45 000 soldats sont mobilisés, plus de 800 manifestants seront arrêtés, provoquant la grève dans tout le pays en mai et accompagnant la victoire électorale des gauches aux législatives. Le gouvernement de Georges Clémenceau crée le ministère du travail en octobre 1906
Il faudra attendre la veille du 1er mai 1919, pour que la loi légalise la réduction du temps de travail à huit heures par jour.
1er mai, le régime de Vichy et la Libération
La confusion voulue et entretenue par la propagande du régime de Vichy, tout en interdisant les syndicats ouvriers pour récupérer ce 1er mai, en accordant une journée chômée au nom de ses conceptions réactionnaires de la valeur travail (pour rappel, le 1er mai c’est la Saint Philippe)
C’est le 26 avril 1946 que le gouvernement reconnaît officiellement le caractère chômé du 1er mai et tourne ainsi la page du régime de Vichy en le rendant définitivement aux travailleurs. En 48, il devient férié et chômé.
1er mai 1968
le 1er mai 68 à Paris : plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont défilé de la République à la Bastille à l’appel de la CGT et du parti communiste.
Pour la première fois depuis 14 ans s’est tenu le défilé du 1er mai à Paris. Cette tradition a été interrompue en 1954 par le gouvernement Laniel en raison de graves incidents survenus le 14 juillet précédent.
Le parti communiste et la CGT organisait depuis 1936 une grande manifestation de rue pour célébrer les valeurs de la république et les idéaux de la résistance. La participation d’un important cortège de travailleurs algériens, encadré par les militants du mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques de Messali Hadj scande : « non au colonialisme » et pour la première fois « Nous voulons l’indépendance ! ».
Place de la Nation les forces de l’ordre chargent violemment les Algériens la police tire dans le tas, tuant six jeunes ouvriers algériens et un métallurgiste français syndicaliste à la CGT voir le livre du regretté Maurice Rajsfus ; « 1953 un 14 juillet sanglant »
Ce 1er Mai 1968, les organisateurs estiment à plus de 100 000 personnes (25 000 selon la préfecture de police) les participants, souvent très jeunes qui ont défilé plus de deux heures entre la République et la Bastille. Canalisés par un efficace service d’ordre qui intervint contre les groupes de militants éléments trotskistes prochinois et anarchistes qui demandaient « un gouvernement ouvrier », d’autres réclamaient « le Front populaire », tous « l’unité » et les revendications syndicales « les 40 heures », « liberté syndicale », « l’abrogation des ordonnances », etc. etc.
De nombreuses délégations étrangères y participaient. Parmi elles des Espagnols contre le régime franquiste « commissionnes, si ! Dictatura no ! » des Portugais des Grecs criant en commun « Johnson assassins », « halte à l’agression américaine ! », autant de slogans de soutien à la lutte du peuple vietnamien contre les Américains.
Les accents de internationale, de la jeune garde et sur l’air du petit navire :
« Il était un petit ministre il était a un peu petit ministre qui naviguait – gait – gait sur nos sous (bis) Ohé , ohé, ohé Pompidou Pompidou navigue sur nos sous »
Rappelons que mai 68 c’est une conjonction de beaucoup d’événements,
La fin d’un régime, le ras-le-bol de De Gaulle, des ordonnance de 67 qui provoquent la colère ouvrière l’irruption de la génération dite des baby-boomers, « enfants de Marx et de Coca-Cola », étouffant dans cette société corsetée, étriquée, terriblement XIXe siècle, dans sa philosophie, ses mœurs, sous le contrôle de l’ORTF, la voix de son maître disions-nous à l’époque.
Le conflit du Vietnam, les luttes contre la décolonisation, l’assassinat du pasteur Martin Luther Kings en avril 68, sont autant de terrain sur lesquels se retrouvent la jeunesse du monde entier, y compris à l’Est comme à Prague en 68, donnant ce caractère ouvert et internationaliste aux luttes sociales.
Là encore, nous qui nous intéressons aux révoltes populaires, si le régime a tenu, ce n’est que par un fil. Une société nouvelle a remplacé ce vieux monde laissant apparaître de nouvelles luttes sur le droit des femmes ou l’écologie, évoluant sur les questions sexuelles, morales sociales et politiques, développant de nouveaux droits aux travail, à l’information, au logement, l’IVG etc.
Hier le pavé, aujourd’hui la casserole peu importe la méthode, hier comme aujourd’hui nous sommes partisans de nous révolter surtout si l’ordre et le régime entrave la démocratie et les droits du peuple.
1 Le congrès socialiste international se tint à Paris du 14 au 21 juillet 1889, une date choisie par les socialistes français. Sur les murs, on pouvait lire les slogans « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », « Expropriation politique et économique de la classe capitaliste, socialisation des moyens de production », ainsi qu’une salutation des ouvriers socialises d’Europe et d’Amérique « au nom du Paris de juin 1848 et de mars, avril et mai 1871 et de la France de Babeuf, Blanqui et Varlin ».
Il y avait initialement 391 délégués de 20 pays, pour 383 mandats représentant à peu près 300 organisations socialistes et ouvrières. Dès le 17 juillet il y avait déjà 467 délégués et leur nombre continua de s’élever.
Une figure de marque manqua : Friedrich Engels. Il avait dû interrompre sa compilation du troisième tome du Capital de Karl Marx, afin de lutter pour une organisation du congrès sans les possibilistes ; une fois cela réussi, il retourna à ce travail si essentiel.
Les Allemands avaient envoyé 81 délégués, les Français 211, les Britanniques 20, les Belges 14, les Italiens 13, les Autrichiens 10, les Russes 6 (dont le diffuseur du marxisme en Russie, Georgi Plekhanov), les Suisses 5, les Américains 5, les Roumains 5, les Néerlandais 4, les Polonais 4, les Danois 3, les Norvégiens 3, les Hongrois 3, les Suédois 2, les Espagnols 2.
À cela s’ajoutait une représentation de Finlande, d’Argentine et de Bulgarie.
2https://maitron.fr/spip.php?article116549, notice LAVIGNE Raymond [LAVIGNE Félix, Raymond]
3htt https://maitron.fr/spip.php?article116549 notice GUESDE Jules (BAZILE Mathieu, Jules dit)p le 10 novembre 2022.
4 https://maitron.fr/spip.php?article24864, notice LAFARGUE Paul
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