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RONDS-POINTS, CONTRE-SOLITUDE

[# 2 Novembre Jaune]

Le 17 novembre marquera le 5e anniversaire du mouvement des Gilets Jaunes. Voici le second article publié dans le média militant lundimatin qui publiera une série de commentaire de textes de gilets jaunes, 1 par semaine, correspondant à leur rythme de publication. 
Chaque article est terminé avec cette mention "Cette série de Novembre jaune est le fruit du travail du Collectif POÉTISTHME, de l’association PourQuoiPas 33 et de l’Université Populaire de Bordeaux." 
Cette initiative s'isncrit dans le cadre de notre promotion/débat du livre DE LA VALSE DES RONDS POINTS AUX CAHIERS DE LA COLERE ( voir les rdv en annexe).
« Rond-points, contre solitude » Novembre Jaune …. (2)
Première initiative, samedi 18 novembre 2023 à la ZAP
Zone à Partager 1 place du 14 juillet à Bègles de 17 à 21h
Comment les participant.e.s du mouvement se présentent eux-mêmes : entre autocritique et retournement des stigmates mais aussi revendication d’une identité professionnelle voire création d’une identité jaune (exemple d’un texte intitulé « Peuple Jaune »)
2/ « Ronds-points, contre-solitude » Lire l’article
Comment les ronds-points ont constitué des foyers (au sens premier), refuges de solidarité et de tendresse contre la solitude populaire que l’on sait mortifère (cf. ce qu’a écrit Durkheim autour de l’anomie et le prolongement de Daniel Cohen sur la question du suicide qui touche notamment les classes populaires). Comment cela se traduit dans le récit.
3/ « A la ligne ? Non, à la lettre »
Retour sur la lettre d’une mère de Libourne qui a eu un écho national (voir pièce-jointe)
4/ « Gilets jaunes et relation au temps »
Quel passé, quel avenir ? On leur a souvent imposé une histoire (jacquerie, mouvements des places, etc.) ou alors dénié toute filiation historique (mouvement « spontané », révolte purement « émotive », etc.). Dans un cas comme l’autre, volontairement ou non, cette mise en relation du mouvement avec un temps a été faite de l’extérieure, contribuant à confisquer l’avenir des Gilets jaunes. Il nous semblait donc pertinent d’analyser dans quelle histoire iels s’inscrivent, se choisissent et donc quel avenir iels réclament. Et cela, leurs textes le donnent à lire sans détour (un lien avec L’avenir confisqué de Nicolas Duvoux pourra être fait).
5/ En semaine 5, soit celle du 17, peut-être une synthèse et un appel à la constitution d’un « collectif de collecte », d’un travail d’archivage populaire, partout en France, de cette littérature voire plus de cette contre-culture ?

D’ici là, nous publierons chaque lundi un [Novembre Jaune], collecte locale des voix plurielles qui se sont inscrites dans le mouvement. Il s’agit de sauver de l’oubli – et du mépris – cette littérature qui s’est écrite au quotidien lors du mouvement des Gilets jaunes, et de la mettre à la disposition de tous, de partir des textes pour reconstituer le nuancier qui a fait et continue de faire ce qui sera appelé une contre-culture jaune : partie non négligeable et toujours bien vivante de la pensée d’ici d’en-bas.

Vous pouvez retrouver le Novembre Jaune #1 ici.

Et le #2 ici

RONDS-POINTS, CONTRE-SOLITUDE

« nous sommes la somme de chacun d’entre nous qui se croyait seul, […]nous savons désormais ce que c’est que de faire corps, […] car ensemble nous avons attrapé la rage et nous la propageons avec Amour [1]

Ces quelques mots font barrage à la solitude. Ils sont le souffle des ronds-points, la force du pavé battu avec les camarades. Ils témoignent de cette formidable énergie sociale qui a animé le mouvement des Gilets jaunes et bien d’autres dans son sillage, celui contre la réforme des retraites en tête.

« Ceux qui dorment ne craignent-ils pas qu’à leur réveil / Les morceaux épars du monde ne s’emboîtent plus [2] ? » 
La société de classe a laissé place à une société de l’individu isolé. Et c’est comme si, un matin, en se réveillant, nous ouvrions soudain les yeux sur un monde où les morceaux – c’est-à-dire nous – ne s’emboîtaient plus, ne faisaient plus « corps ».
Bien sûr tout cela ne s’est pas fait du jour au lendemain.

Le capitalisme prédateur est un processus qui émaille progressivement le tissu relationnel de ruptures : transformations du monde du travail (désindustrialisation, tertiarisation de l’économie, « ubérisation », externalisation, etc.) ; le paradoxe des réseaux sociaux (stabilité voire multiplication des relations amicales mais diminution des contacts physiques) ;la méfiance envers les institutions garantes du lien social.Ces trois points étant largement documentés et analysés [3], je me contenterai de donner quelques chiffres évocateurs avant d’en revenir aux paroles de Gilets jaunes. En janvier 2021, 24% de la population est en situation d’isolement relationnel contre 14% en janvier 2020, soit 10 points de plusselon le CRÉDOC [4]. Le taux de mortalité a été multiplié par 3 en moins de 30 ans chez les ouvriers blancs du Midwest, en lien avec la disparition des lieux de socialisation [5]

« L’existence se fonde d’abord à travers le regard des autres. Quand celui-ci n’est plus présent, quand on ne rencontre plus des gens qui nous regardent, qui nous parlent, notre existence tout simplement n’existe plus. Notre existence est éliminée . » [6] 

La solitude est donc un mal profondément politique. Mais c’est justement parce qu’elle naît dans l’absence de considération, dans l’indifférence sociale, que le premier terrain à occuper est tout trouvé : l’espace public réapproprié par et pour des usages populaires, collectifs. C’est le creuset de la lutte « contre l’oubli de notre humanité ».

« Nous portons la fièvre et le Chaos de ce monde mais nous voyons bien au-delà »[7] [7] « Peuple Jaune », Myriam Eckert,op.cit....

Le fait d’être esseulé, c’est-à-dire être plus-que-seul car tenu à l’écart, marginalisé, entretient un rapport meurtri à autrui, conduit à la méfiance puis la défiance, parfois jusqu’à la fièvre de la violence symbolique ou physique. De là, onpeutobserver un cercle vicieux partant de l’isolement inégalitaire pour aller vers un vote d’extrême-droite qui lui-même entretient un repli identitaire. Mais ce cercle n’est pas une fatalité. Nombreuses sont les expériences de Gilets jaunes à le démontrer.[8]

Sur le rond-point on guérit durapport blessé à l’Autre. On pense ses plaiesavec lui,enéchafaudantdes politiques de proximité qui à même de panser les fractures de la société :

« Ensemble on a lancé / une grande réunion publique. Dur de parler devant une salle entière, / la veille on était dans le down : / - Viendront, viendront pas ? / Sur les p’tites routes, en plein hiver / deux cent cinquante sont venus ! Trois heures de témoignages, d’échanges. / A la sortie, on s’embrassait, rieurs comme des enfants aimés !/C’était reparti pour un long continuer. » [9]
[9] Extrait de « J’irai »,Rose-Marie Naime,in De la valse…

A partir et parfois sur les ronds-points s’est réinventé le sens et la pertinence d’un collectif blessé : on ébauche une politique de socialisation (« Ah ! Oui, et aussi / on met tout en commun. [10]

Les ronds-points ont été les points de suture des cicatrices de notre solitude.

Des mois durant, ils ont contribué à revitaliser le corps social.

« ‘’Et toi, t’es RIC ou pas RIC ?’’ / ‘’Démission, il la f’ra pas ! / Alors VIe ? Constituante ?...’’ / On fabrique de la tête et des mains, / on élabore, on notre-débat, on acte / et puis on vote. »

Cette réappropriation civique, cette fabrique d’une communauté sensible qui se sont tenues sur les ronds-points, est-ce la raison pour laquelle l’État les a qualifiés de « dangereux » ? Question rhétorique. Qu’y-a-t-il pourtant de plus dangereux pour un État que de perdre « l’assise, le socle ferme où s’enracinent tous les rêves que nous faisons», c’est-à-dire la confiance de ses citoyennes et citoyens ? [14]

J’aimerais m’attarder sur le néologisme : « on notre-débat ». Le trait d’union est évocateur, on ne peut s’empêcher d’y voir un pied de nez au Grand/Débat qui n’aura fait que marquer la séparation entre d’un côté les « dominants » au centre, déblatérant, et de l’autre les « dominés », invités à poser des questions certes, mais en tant que public captif, et pour les résultats que l’on sait. Mais c’est surtout le passage du nom au verbe qui m’interpelle : le « notre-débat », ce n’est pas le débat auquel on assiste, passif. C’est le fait de débattre (« on ») sans nier son interlocuteur, dans un espace de parole partagée (« notre »).

C’est verbaliser au sens premier du terme :un processus psychologique qui aide à exprimer et apprendre à mieux se (re)connaître. De ce point de vue, laverbalisation est un acte démocratique en ce qu’elle rompt avec l’injonction élitiste au silence du peuple, elle lance un défi aux inégalités épistémiques qui méprisent les savoirs populaires. En témoignant ces slogans et refrains :

« La vie c’est pas ça, / c’est pas ce qu’on nous fait » ; « Que ça change » ; « Trop, c’est trop ! » ; « Ah ! Ca ira, ça ira / Tous les CAC40 on les vir’a ! » ; « Et la rue, elle est à qui ? / La rue, elle est à nous ! »

Pour dire tout ça, et préalablement pouroser dire, il nous faut des temps et des espaces publics où l’on peut se donner les conditions de la confiance face à l’incertitude du monde. Cette confiance n’est pas l’assurance donnée par une poignée que les lendemains chanteront. Cette confiance est celle qui se construit dans l’humilité du faire ensemble, pour retrouver la possibilité d’une vie politique ouverte en bas de chez soi, sur les places, à la croisée de nos vies. Alors, occuper un rond-point, c’est devenu occuper l’espoir. Tombeau et avenir, foyer de nos émotions démocratiques et repos des martyrs, partout en France ils pu être les lieux de cette « Glorieuse naissance » d’une démocratie réelle. Si elle n’est pas (encore) advenue, il n’en reste pas moins les graines semées par ces chants d’espérances qui s’élevaient des ronds-points, contre-solitude. [15]

[15] Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Marina Garcés…

« Fut-ce la mer qui apparut ou la forêt ou le feu / Ou la neige ou la femme ou la gloire des villes / Quel fut donc le signe éblouissant, le soleil entrevu / Et qui fit que chacun de nous s’écria : ‘’Je veux être’’ ! […] /Je veux être ! cria chacun de nous, et nous fûmes»[16]

Collectif POÉTISTHME,
Association PourQuoiPas 33,
Université Populaire de Bordeaux

Illustration : Jean-Pierre Sageot

 

[1Extrait de « Peuple Jaune », Myriam Eckert,in De la valse des ronds-points aux cahiers de la colère, Bordeaux, Éditions Rébelio, 2023, p.457.

[2Ilarie Voronca, « Refaire le monde »,Contre solitude, Plein Chant, 2006, p.28.

[4Voir l’étude du CRÉDOC, « Les solitudes en France. Un tissu social fragilisé par la pandémie » par Solen Berhuet, Sandra Hoibian, Novembre 2021 (file :///D :/Downloads/Sou2021-4836.pdf).

[5Voir Anne Case et Angus Deaton,Morts de désespoir. L’avenir du capitalisme,PUF, 2021. Pour un résumé, lire :https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/12/morts-de-desespoir-les-ravages-du-capitalisme-predateur-sur-la-classe-ouvriere-americaine_6072835_3232.html

[6Pour une analyse de nos solitudes contemporaines qui ne néglige pas d’ouvrir à un horizon optimiste pour d’une société plus solidaire, voir Matthieu Chaigne,La Fabrique des solitaires, Éditions de l’Aube, 2022.

[7« Peuple Jaune », Myriam Eckert,op.cit. p.458.

[8Voir entre autres GuillaumeLe Blanc, « Panique d’identité. Dans la tête des sympathisants du Rassemblement national »,Esprit, vol. , no. 10, 2023, pp. 81-89 et Pierre Zaoui, « De la fascisation. Signifiants, corps et flux »,Esprit, vol. , no. 10, 2023, pp. 91-100.

[9Extrait de « J’irai »,Rose-Marie Naime,in De la valse des ronds-points aux cahiers de la colère,p.482.

[10« Cité 3 », Rose-Marie Naime,op. cit., p.477.

[11Ibid., p.479.

[12Ibid.

[13Ibid., p.478.

[14« Peuple Jaune », Myriam Eckert,op.cit., p.458.

[15Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Marina Garcés à paraître le 15/12/2023 aux Éditions Deux-Cent-Cinq :Occuper l’espoir : Barcelone, 1996-2017.

[16Ilarie Voronca, « Glorieuse naissance », Contre solitude, Plein Chant, 2006, p.59.

[17Olivier Daurelle, gilet jaune du « Campanile » en référence à l’hôtel voisin du camp, fut tué (« meurtre-accident » écrit Rose-Marie Naime) par un camion. Ses camarades ont planté, sur le site, un olivier en sa mémoire. Une manière de marquer le territoire de la présence populaire, de laisser la trace des « invisibles » qui ne se résignent plus à l’être.

Calendrier des rencontres autour du livre de la valse des Ronds points aux cahiers de la colère
8/11/23 Montpon Ménestérol cinéma Le Lascaux Quartier Général Projection débat avec Nathalile Loubeyre  Rebellio éditions
15/11/23 Colloque Bordeaux « Cinq ans après le début des Gilets jaunes, où en sont les luttes sociales aujourd’hui ? » Musée d’Aquitaine
17/11/23 Forum (Programme en cours) Bassens l’affiche du forum s’inspire de la couverture du livre Département Fondation Jean Jaurès Rebellio éditions vente du livre
18/11/23 ZAP (Zone à Partager) 

1 place du 14 juillet Bègles

Novembre Jaune AssoPourQuoiPas 33 Université Populaire de Bdx, Gilets Jaunes dans le cadre des AOC de l’Egalité 2023
02/12/23 Villeneuve sur Lot Avec les Gilets Jaunes de Villeneuve /Lot, de Samazan et les adhérents du collectif de Rastouillac
25/112023 Etauliers Fabrique Baffort Livres en citadelle
9-10/11/23 Blaye Salon : Livres en citadelle

 

 

Séries d'articles : Gilets Jaunes de la valse des ronds points aux cahiers de doléance

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