Histoire de voir … histoires au pluriel
24 octobre 2023 à 13h00 au 24 octobre 2025 à 14h00
Au Musée d'Aquitaine dès le 1er mars 2014.
Curieux le hasard, car c'est aussi le nom de l'une des associations Bordeaux Porte du Monde soutenant les amis du clown chocolat.
Le monde est donc petit car le Musée d'Aquitaine a choisi pour illustrer
l'ouverture de ses deux prochaines salles le nom de Bordeaux port(e) du Monde.
Un homonymie heureuse car notre Clown Chocolat est bien l'enfant indirect de cette
activité négrière et commerciale entre les mondes avec le port de Bordeaux.
Son existence de fils d'esclave cubain, vendu par un marchand portugais à un fermier espagnol, après différents métiers, fait carrière et connaît le succès à Paris.
Il finira ses jours entre deux représentations du cirque Ranty aux Quinconces en 1917.
Bordeaux, comme le montrera cette exposition attira, artistes et spectacles pour distraire tout à la fois les bordelais et les passagers en arrivée ou en partance de la capitale girondine.
Après les découvertes et les ballades sur les salles de spectacles bordelaises à l'époque de Chocolat, publiées en février sur ce blog, nous sommes impatients de nous plonger dans ces nouvelles salles du Musée d'Aquitaine, faisant suite à celles déjà remarquables consacrées au commerce triangulaire au 18e siècle.
Extrait de la présentation du Musée d'Aquitaine de ces nouvelles salles en avant première.
Le voyage continue…
Bordeaux port(e) du monde, 1800-1939.
Ce nouvel espace propose de découvrir les relations que la ville a entretenues avec le monde, de 1800 à 1939.
A travers une nouvelle muséographie enrichie de vidéos et d’ambiances sonores, des centaines d’œuvres rappellent la richesse du patrimoine bordelais : peintures, sculptures, dessins, objets d’arts et de la vie quotidienne, affiches, films d’époque…
Un espace dédié à la tourmente révolutionnaire assure la transition avec les salles
ouvertes en 2009 :
« Bordeaux au XVIIIe siècle, le commerce atlantique et l’esclavage ».
Bien que très touché au début du siècle par la perte de Saint Domingue et les guerres maritimes de la Révolution et de l’Empire, les relations intercontinentales vont reprendre progressivement.
Le port devient le moteur de l’économie bordelaise, avec les grands aménagements, le développement du négoce, l’âge d’or du chemin de fer et de l’industrie navale …
Le négoce bordelais renforce ses activités vers les Amériques et l’Europe du Nord
et multiplie les échanges avec les colonies : Afrique du nord et subsaharienne,
Antilles, Indochine, Nouvelle-Calédonie et Chine.
Ce dynamisme a un effet considérable sur l’économie bordelaise et le développement des industries alimentaires grâce aux produits coloniaux.
Les rues de la ville sont animées par tout un monde de marchands ambulants, colporteurs, artisans. La population ouvrièreest très importante du fait des installations portuaires et ferroviaires et de la diversification des industries qui attirent aussi des populations immigrées.
Enfin, Bordeaux connaît d’importants travaux d’urbanisme : percement de grandes artères, ouverture des boulevards de ceinture.
Séquence 1 – Un port en transformation
Le port connaît un essor manifeste dès les années 1820 et restera le moteur de l’économie bordelaise.
1. De grands aménagements sont entrepris avec la création de quais verticaux, des bassins à flot, des hangars et d’entrepôts (Entrepôts Lainé, par exemple). La construction du pont de pierre préfigure le développement de la rive droite en ouvrant de nouvelles voies de communication. Des personnalités du monde politique ou économique comme Claude Deschamps, Joseph Laîné, Pierre Balguerie Stuttenberg sont à l’origine de ces grands travaux.
2. La navigation fluviale s’accroît considérablement grâce à la construction, à Bordeaux, de bateaux à vapeur qui permettent une meilleure régularité du trafic pour le transport des marchandises : vin, pierre, charbon, bois, denrées alimentaires.
3. L’ouverture du commerce mondial donne naissance à une industrie navale bordelaise d’importance : Bordeaux est l’un des trois leaders mondiaux pour la fabrication des clippers puis, à la fin du siècle, développe la construction de remorqueurs, cargos, paquebots, mais aussi de bateaux de guerre (torpilleur, cuirassés, sous-marins).
4. Tout au long du siècle, le Port de la Lune devient une rue industrielle. Une multitude d’ouvriers portuaires travaillent en permanence sur les berges et dans les ateliers. Une culture ouvrière se développe avec de nombreux conflits sociaux liés aux conditions de travail des dockers.
5. De nouvelles perspectives de développement s’ouvrent, avec en particulier, l’arrivée du chemin de fer en 1841. Bordeaux devient un noeud ferroviaire qui va bouleverser une partie de ses activités traditionnelles.
Séquence 2 – Un horizon maritime mondial
En concurrence avec Paris, Lyon, Nantes, Le Havre ou Marseille, Bordeaux se place au coeur du négoce avec les colonies.
Après la Révolution, les raffineries de sucre des Antilles y sont encore nombreuses et assurent 15 % de la consommation européenne dans les années 1830 ; puis s’y ajoute le négoce du rhum. Dans les années 1840-1950, les firmes bordelaises sont fortes au Sénégal, en Gambie et en Casamance, où elles développent en particulier la culture d’arachide, qui approvisionne les quatre huileries actives en Gironde.
Dans l’Océan Indien, Bordeaux, derrière Nantes, est en relation avec La Réunion (rhum, sucre) et, derrière Marseille, avec Madagascar (maison Faure frères).
Des armateurs et négociants bordelais se déploient en Extrême-Orient : ils approvisionnent le corps expéditionnaire en Cochinchine, sont les premiers à s’implanter au Cambodge et soutiennent le négoce girondin en Indochine (Denis frères).
Les maisons Bordes et Ballande (puissante en Nouvelle-Calédonie) sont actives dans le Pacifique ; depuis Valparaiso, elles contrôlent le commerce avec Nouméa et assurent l’essentiel du service régulier avec Tahiti.
1. Bordeaux devient aussi le grand port de paquebots transatlantiques avec la ligne France-Brésil (1857), celle des Antilles puis du Maroc et des côtes d’Afrique occidentale.
2. Port d’émigration. Entre 1865 et 1920, le port de Bordeaux transporte 371 000 migrants à la recherche d’un avenir meilleur vers les Etats-Unis et surtout l’Amérique du sud, principalement l’Argentine. Ils viennent du grand Sud-Ouest, d’Espagne et d’Italie et même de toute l’Europe puisque 27 nationalités différentes ont été recensées.
3. Toutes ces activités ont un effet considérable sur les activités du port et l’économie bordelaise car, outre les industries navales, ce dynamisme permet de développer les industries alimentaires. Grâce aux produits coloniaux, de nombreux ateliers voient le jour (conserveries, biscuiteries, chocolateries) et des industries se développent pour le raffinage du sucre, ou les huileries, la fabrication de liqueurs, d’apéritifs ou de rhum.
4. Les sècheries de morues s’installent sur les palus de Bègles qui devient le plus grand centre français de production. Pêcheurs basques, bretons et normands viennent décharger à Bordeaux leurs cargaisons pêchées sur les bancs de Terre Neuve ou d’Islande.
5. Le rayonnement considérable de Bordeaux se met en scène dans les grandes expositions, maritimes, universelles, coloniales et nationales. Ces relations avec le monde développent un goût pour l’exotisme et l’art colonial qui donnent naissance à un style de vie propre à Bordeaux.
Séquence 3 – Une ville en expansion
La transformation de Bordeaux
1. Résultat de ce développement économique, Bordeaux connaît d’importants travaux d’urbanisme : percement de grandes artères, ouverture des boulevards de ceinture. L’architecture témoigne d’un attachement aux canons du classicisme même si l’on perçoit l’apparition de l’éclectisme puis de l’Art nouveau.
2. L’aristocratie terrienne qui possède des hôtels particuliers en ville est rejointe par la grande bourgeoisie économique, les professions libérales et les hauts fonctionnaires qui habitent des appartements huppés. De nombreux cercles comme le Club bordelais, le New club ou l’Union club constituent leurs lieux de convivialité.
3. La demande de ces catégories sociales dynamise l’artisanat bordelais. Outre le travail de la pierre, du bois et de la ferronnerie, la faïencerie bordelaise connaît des heures de gloire de même que l’art du vitrail lié au renouveau de la foi et à l’intérêt pour les arts appliqués. Les vitraux à décor civil sont produits en grandes quantités et ont une diffusion internationale.
4. Bordeaux connaît une très grande diversité sociale avec des milieux très compartimentés. Les rues de la ville sont animées par tout un monde de marchands ambulants, colporteurs, artisans mais aussi une population ouvrière très importante du fait des installations portuaires et ferroviaires et de la diversification des industries qui attirent aussi des populations immigrées du grand Sud-Ouest et de l’Espagne. Le taux très élevé de personnel de maisons témoigne de l’aisance de la bourgeoisie locale.
5. Des bals des corporations aux opéras du Grand théâtre en passant par les café-concerts et music-halls, les pratiques culturelles identifient les appartenances sociales que renforcent aussi les séjours sur le Bassin d’ Arcachon, et la diversification des sports, des très populaires rugby, cyclisme et football aux pratiques plus distinguées : hippisme, navigation de plaisance, tennis, golf et courses de voitures.
6. Après la Révolution, le catholicisme connaît un spectaculaire rétablissement avec des cardinaux archevêques qui marquent leur époque. Le patrimoine religieux est restauré et de nouvelles églises édifiées. Patronage et syndicats chrétiens encadrent la vie sociale. Plus discrète mais tout aussi présente, l’influence des protestants et des israélites est très forte dans la vie économique et sociale. La laïcisation se fait jour et la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat donne lieu à de violents conflits.
Les visiteurs achèvent leur visite en traversant un mur d’images évoquant les guerres mondiales (Bordeaux trois fois capitale tragique) et les événements du XXe siècle qui feront l’objet d’une nouvelle tranche d’aménagements à l’horizon 2016.
Très beau Musée d'Aquitaine