Histoire de voir … histoires au pluriel
24 octobre 2023 à 13h00 au 24 octobre 2025 à 14h00
Poursuivons notre enquête sur l'origine des clowns. On vient de le voir l'image du clown moderne doit beaucoup à l'école anglaise.
Joe Grimaldi en est bien le précurseur.
Une troupe d'irlandais les Hanlon-Lees, vont apporter leur pierre en innovant énormément. Tout d'abord en apportant leur musique dans leurs numéros.
Cette musique aussi folle que leurs personnages sera bien sûr leur apport aux clowns.
Ces artistes sont avant tout des acrobates. Défiant l'apesanteur sur fond de décors créés pour « mettre l'ambiance ». Et ils innovèrent beaucoup dans ce sens tout au long de leur carrière.
Ils débutent en 1846 à Londres au Théâtre Royal Adelphi.
Les Hanlon-Lees ont connus une renommée mondiale de "entortillation" (un mot inventé sur la base de l'expression française entortillage qui se traduit par "torsion" ou "enrouler.
A cette époque, la société est composée de George, William, et Alfred Hanlon, qui étaient essentiellement des pupilles de John Lees jusqu'à sa mort en 1855. Après sa mort, les Hanlons s'étoffent avec les jeunes frères Thomas, Edward, et Frederick – et en l'honneur de Lees deviennet les Hanlon-Lees le groupe fonctionna pendant plus de ans , connaissant le XXe Siècle.
Ils étonnèrent même Emile Zola dans leur production « Le voyage en Suisse » qui contenait une séquence de jonglage aérien et beaucoup de rire :
« On est pris par le fou rire, on ne sait si l'on ne se réveillera pas dans un cabanon de Bicêtre.»
(Zola dans le Naturalisme au théâtre).
Il ya une affiche spectaculaire par Jules Chéret, le grand pionnier de l'ère classique du design français d'affiche, la publicité de leur apparition aux Folies Bergères en 1878 ou ils obtiennent un succès colossal avec leur un spectacle musical Do-Mi-Sol-Do.
En 1979, six artistes américains ont ressuscité les frères Hanlon-Lees organisant des tournois médiévaux ou des scènes de cow-boys, de rodéos, de spectacles divers mais en dehors du spectaculaire pas grand chose à voir avec les clowns.
Zola n'a donc pas été le seul à parler de cette troupe.
Laissons la parole à Théodore Banville poète oublié.
"J'aime les gymnastes avec la plus rigoureuse partialité, parce qu'ils sont tout à fait les alliés et les complices du poète, et parce qu'ils poursuivent le même but que le poète lui-même. A l'origine, l'être humain était triple ; il contenait trois êtres : un homme, une bête, un dieu. A la sociabilité qui fait l'homme, il joignait l'instinct, la course rapide, la grâce naïve, l'innocence, les sens aigus et parfaits, le bondissement de joie, la certitude des mouvements de l'animal, et aussi ce fait qui fait le dieu, la science des vérités surnaturelles et la nostalgie de l'azur. Mais il n'a pas tardé à tuer en lui la bête et le dieu, et il est resté l'homme social que nous connaissons (…) Ressuciter dans l'être humain la bête et le dieu, telle est l'oeuvre que poursuit le poète, resté instinctif dans un monde bourré de lieux communs, et dont la pensée plane ailée et libre au dessus des sottises affairées ; elle est aussi l'oeuvre que poursuit le mime et le gymnaste. Mais ce que le poête ne fait que figurativement, à l'aide de ses rythmes envolés et bondissants, le mime, lui, le fait en réalité, au pied de la lettre ; c'est sa propre chair qu'il a affranchie de la maladresse, de la lourdeur péniblement acquise par l'homme sociale ; il a trouvé la course effarée du jeune faon, les bonds gracieux du chat, les sauts effrayants du singe, l'élan fulgurant de la panthère, et en même temps cette fraternité avec l'air, avec l'espace, avec la matière visible, qui fait l'oiseau et qui fait le dieu."
Théodore de banville, Mémoires et pantomimes des frères Hanlon Lees