Histoire de voir … histoires au pluriel
24 octobre 2023 à 13h00 au 24 octobre 2025 à 14h00
Karfa Diallo directeur et fondateur de Mémoires et Partages nous a signalé dernièrement cette révolte qui comme beaucoup d’autres, est passée sous silence. Elle a eu lieu en 1815 à la Réole, révolte à laquelle participèrent de nombreux Afro-descendants. On doit cette découverte à Julie Duprat, Conservateur des bibliothèques, qui avait déjà consacré sa thèse de l’Ecole des Chartes aux Noirs à Bordeaux au XVIIIe, qu’ils aient été esclaves ou pas. Elle anime un blog intitulé Hypothèses ici dont nous avons tiré les extraits. Qu’elle en soit remerciée.
Dans le cadre de Mémoires et Partages, Karfa Diallo son président fondateur, l’avait reçue pour une conférence publique il y a 3 ans. Il nous a signalé dernièrement cet épisode touchant les minorités noires à Bordeaux, et cette recherche de Julie Duprat s’avère très utile dans notre travail sur les Révoltes Populaires en Aquitaine. Qu’il en soit remercié !
Et ce n’est pas une mince affaire ! Cette révolte des Afro-descendants à La Réole, se situe aussi dans le contexte portuaire de Bordeaux, lié à l’esclavage, et dans ce Siècle d’Or dont la ville est si fière. Les conditions de vie, les révoltes, les colères des afro-descendants y ont le droit de cité. Histoires enfouies, peut être plus encore dans cette histoire populaire et commune.
La Révolte de la Réole !
“L’histoire commence en juillet 1815, dans le contexte politique des Cent-Jours, bref interlude durant lequel Napoléon Bonaparte tente de revenir au pouvoir après son exil. 20 mars au 28 juin 1815. A la fin du mois de juillet donc, la monarchie est définitivement rétablie ce qui n’est pas au goût de tout le monde notamment des partisans de Napoléon, particulièrement nombreux parmi les anciens militaires. L’été est ainsi marqué par toute une série de révoltes dans tout le territoire français pour défendre le parti impérial. Parmi, toutes ces révoltes, celle de la Réole a considérablement marqué les esprits et pour plusieurs raisons : en plus d’avoir été initiée par deux chefs jumeaux charismatiques, les frères Faucher , la participation d’Afro-descendants fut importante. Les frères Faucher, anciens militaires et cadres fonctionnaires impériaux, lancent le mouvement contre les royalistes et sont rejoints par Casimir Duclos : artisan âgé de 46 ans, originaire de Sainte-Lucie, cet Afro-descendant est aussi un ancien lieutenant du bataillon colonial. Il rallie derrière lui vingt autres Afro-descendants plus jeunes dont Varret, Bombance au statut précaire, originaires de Guadeloupe ou d’Haïti. Une seule exception notable est à relever : on retrouve parmi eux Louis Silvestre, né à Bordeaux ….. Outre leur statut de militaire, ce ralliement des afro-descendants à l’Empire, malgré le rétablissement de l’esclavage en 1802, s’explique parce que Napoléon reste le principal opposant aux royalistes. Il est encore perçu comme défendant encore les idéaux républicains.”
Mais pourquoi ces hommes sont ils stationnés à La Réole ?
“Au printemps, Napoléon avait en effet créé une éphémère « Compagnie des gens de couleur », basée à Bordeaux, pour l’aider dans sa reconquête.
Tous ces hommes sont donc des partisans bonapartistes. Ils n’ont pas été payés depuis un moment : à la mi-juillet, tous les ingrédients sont donc réunis pour que la révolte éclate.
Tout commence à la Réole, où les frères Faucher sont en poste : le 22 juillet, sous leur impulsion et celle de Casimir Duclos, leurs troupes lacèrent le drapeau blanc, symbole des royalistes, qui venait d’être exposé dans la ville…. La révolte dure deux jours, pillages, réquisitions contre les biens des royalistes dans les villes alentours (Montagoudin, Beaupuy). Ils sont finalement arrêtés à Marmande. Conduits à la Réole et à Agen ils seront jugés le 18 septembre 1815 au Tribunal de première instance à Bordeaux.
La répression
Ceux qui sont le plus durement jugés sont en fait les frères Faucher anti-royaliste qui sont fusillés le 27 septembre 1815. Duclos, Varret, Bombance et Silvestre écopent de plusieurs années de travaux forcés ou de bannissement, tous les autres sont condamnés à cinq ans d’emprisonnement.
Il est très clair que le tribunal a retenu plusieurs circonstances atténuantes pour ces Afro-descendants, considérant qu’ils étaient de simples suiveurs, plus motivés par des critères économiques que politiques.”
Comme nous le dit Julie Duprat dans sa conclusion : « Je ne sais pas ce qu’il arrive par la suite des différents accusés mais j’ai trouvé cette histoire passionnante : elle illustre une fois de plus la progressive politisation des Afro-descendants métropolitains, qui ne s’arrête pas à la Révolution.” Et pour faire définitivement sortir de l’anonymat ces rebelles oubliés, en bonus, une petite liste de leurs noms : origine, métier ! »
Si vous souhaitez, et nous vous y encourageons, lire l’article complet, vous pouvez consulter le blog Hypothèses ici
Les “hommes de couleurs” dans l’armée de l’Empire
Pour connaitre la présence des soldats afro-descendants dans ‘Empire lire cet article sur les « Chasseurs Africains » et « Pionniers Noirs » qui suivent les aléas des guerres napoléoniennes.
Ce bataillon était superbe. C’étaient tous hommes de taille de grenadiers. Ils étaient presque tous créoles de la Guadeloupe, et presque tous mulâtres de deuxième, troisième ou quatrième génération. (…) Ils étaient parfaitement exercés, ayant été enrégimentés aux colonies. (…) ce bataillon pouvait être mis en parallèle avec ceux d’ancienne formation, et tous ces hommes paraissaient satisfaits et reconnaissant du changement à leur précédente et malheureuse situation, et qu’on les eût si bien organisés. Les officiers attachés à ce bataillon de chasseurs les commandaient avec plaisir.
Mémoires et Journaux du Général Decaen, Tome second 1800-1803, p. 314
Quelques dates :
- 10 mai 1803 création à Mantoue par le regroupement de troupes noires séjournant en France provenant du Bataillon de Chasseurs africains dissous et des compagnies d’hommes de couleur regroupant des anciens partisans de Toussaint Louverture envoyés en France et chargés de travaux dans les îles (Hyères, Aix et Oléron).
- 14 août 1806 Décret impérial le mettant au service du Royaume de Naples
- 10 novembre 1806 réorganisé en régiment d’infanterie de ligne sous le nom de régiment « Royal Africain »
- 17 décembre 1810 7e régiment d’infanterie de ligne du Royaume de Naples
- Avril 1813, il est reconstitué à Naples avec des recrues européennes sous le nom de Prince Lucien alors que les éléments du vieux 7e restent dans Dantzig.
- 1815 dissolution