Moins de quinze jours nous sépare de la présentation au jury de « BORDEAUX POUR L'EGALITE » de notre projet autour du Clown Chocolat.

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Rappel des objectifs :

D'abord un travail de mémoire par la reconnaissance du premier artiste noir en France par la Ville de Bordeaux dernière étape de Chocolat en 1917.

Profiter de l'impact du prochain film, réalisé par Roschdy Zem sur le Clown Chocolat (interprété par Omar Sy), pour sensibiliser, informer dans un premier temps les acteurs municipaux de la culture de la ville de Bordeaux à la vie du clown, pour en tirer toutes les leçons d'actualité.

Discriminations sociales et racistes, précarité extrême, enfant abandonné, ce natif de la Havane, fils d'esclaves en fuite, placé à son plus jeune age dans une ferme près de Bilbao, connaîtra, en plus de la solitude et du dépaysement, l'instabilité la plus totale, vivant de petits métiers.

Remarqué par le clown Tony Greace, il suit ce dernier jusqu'à Paris ou il trouvera sa une vraie famille, celle du cirque.

Il y rencontrera à la fois le succès, un public et l'amour.

Pourtant il ne sera jamais dupe du rire qu'il provoquait, ni de la violence qu'il subissait. On imagine que Chocolat, a par un sens de l'altérité souligné par son entourage, su toujours garder un regard bienveillant sur l'Autre, sans jamais oublier sa propre enfance meurtrie et bafouée.

Associé à Footit, ils font évoluer leur métier de clown pour en faire une attraction entière et marquer par leur talent complémentaire l'art du cirque.

Plaisir du corps, de la danse, pour lui et ses publics, fascinant tous les publics et de nombreux artistes par sa liberté et ses rythmes innovants, (Toulouse Lautrec pour la peinture, Jean Cocteau pour l'écriture, Claude Debussy pour la musique et les Frères Lumière pour le cinéma …)

Et, par hasard, il a créé la fonction de « clown thérapeute, » en s'adressant d'abord à sa fille adoptive hospitalisée, puis en travaillant avec les équipes médicales de l'hôpital Hérold à Paris, apportant son rire, sa joie, aux petits malades plusieurs fois par semaine.

C'est l'enseignement des valeurs de sa vie qui est toujours d'actualité. Une vie non pas celle d'un théoricien mais quelqu'un ayant ce que certains appellent « l'intelligence du cœur ».

Son chemin est celui d'un homme debout, s'imposant par son art et ses qualités humaines.

Fidèle à la Liberté, cette chère liberté, symbolisée par ses parents esclaves en révolte et en lutte à Cuba.

Celui de la Fraternité. Reconnue par sa nouvelle famille circassienne, et surtout par l'amour de sa femme et de ses enfants adoptifs dont il va toujours s'occuper malgré la misère qui sera leur compagne les dernières années de sa vie.

Celui enfin du combat pour l’Égalité, car tout au long de son existence, il doit malgré les discriminations raciales et sociales qu'il subit, s'imposer pour vivre, que ce soit à travers son art, dans son existence quotidienne, comme couple mixte dans le regard des autres, dans la misère qui le suivra en permanence même dans les « bons moments », subissant un environnement et un contexte, raciste, indifférent ou hostile.

Bien involontairement, Chocolat nous semble un précurseur.

Enfant du bout du Monde, malgré une vie aux perspectives sombres, il devient le premier artiste noir reconnu en France, enrichissant l'histoire du cirque, inventant le concept du « clown thérapeute », bref nous donnant l'espoir de croire qu'aucun « destin » n'est écrit, hier comme aujourd'hui.

Rappelons quelques étapes de sa vie.

La naissance

L'année de sa naissance, commence la Première Guerre d'Indépendance (1868 – 1878) à Cuba.

Elle oppose les anti-esclavagistes aux Espagnols. (1886 abolition officielle de l'esclavage à Cuba).

C'est la raison de « l'abandon » de Chocolat, pour le protéger de la guerre, et permettre à ses parents de rejoindre l'armée de Carlos Manuel de Cespedes,. (300 000 morts civils et militaires).

Commence une vie instable et ballottée, de placement dans les fermes, aux petits boulots (serviteur, mineur, portier, homme de peine etc..), dansant le soir, sur les quais ou dans les bars du port de Bilbao.

L'opportunité

A 16 ans il est remarqué par le clown Tony Greace, qu'il suit et ainsi le présentera ainsi au monde circassien, tout en recevant un apprentissage.

Le contexte en France.

La France, comme toutes les Grandes Puissances de l'époque étend son Empire colonial compensant aussi la défaite de 1870. Les populations indigènes n'ont pas d'existence citoyenne. Même les Pères de la IIIè République accompagnent cette volonté expansionniste et de mépris des Peuples colonisés et leurs Cultures, en contradiction avec les principes mêmes de la République.

Le succès de Chocolat repose sur cette idée et la curiosité de son public est à mettre en parallèle avec les Zoos humains qui attirent la foule lors des grandes expositions coloniales (comme en a connu Bordeaux en 1895,1904,1907) http://www.deshumanisation.com

Les théories « scientifiques » de l'époque donnent et argumentent les théories « racialistes » comme le prouve le succès du livre l'Essai sur l'inégalité des races humaines (1853-1855) d'Arthur de Gobineau, livre justifiant ainsi la théorie des races (????).

L'utilisation par la publicité du corps de Chocolat renvoie à cette image de l'homme noir, grand enfant un peu niais et souriant ce que l'image du clown en fait dissimule.

L'artiste Chocolat.

L'apport de Chocolat dans les numéros de clown est important, il y amène bien sûr le rythme, la gaucherie, la bonhomie, l'entrée comique, Le duo clown blanc /noir, créent ainsi une équipe, le sketch clownesque prenait ainsi toute sa place.

Les personnages de Chocolat sont toujours battus, humiliés, insultés sur scène par Footit à la plus grande joie « innocente » des spectateurs, ces humiliations renvoient à l'image dévalorisée du noir, de l'inférieur à soi, ressemblant mais si différent. Entre compassion, et humiliation.

Il est à noter que le succès du duo s'est limité aux beaux quartiers. Le Nouveau Cirque étant situé rue du Faubourg Saint Honoré. Les tournées en banlieue ne connurent pas cet engouement. Peut être que le peuple des faubourgs (on ne disait pas encore banlieue), s'identifiait (racisme mis à part) à la condition humiliante de Chocolat, celle du dominé ? Et ça ne fait pas vraiment rire.

Exploitation sociale.

En plus du racisme et des discriminations subies, Chocolat subissait le système régissant à l'époque le fonctionnement de l'industrie du cirque.

En effet le directeur embauchait uniquement un clown, en l’occurrence Footit qui devenait à son tour l'employeur de ses aides. Ce qui a été le cas de Chocolat expliquant ainsi sa maigre part dans le partage des bénéfices et rendant compréhensible la fin de vie misérable de Chocolat.

La fin du succès.

La mode a ceci de spéciale qu'elle est éphémère. Mais pour nos deux clown à ce phénomène s'est ajouté celui de changement profond ans l'opinion.

Une conscience antiraciste, contre l’antisémitisme (Affaire Dreyfus), rend intolérable les numéros d'humiliations subies par Chocolat. Ils perdent ainsi leur statut et doivent tout en restant ami se séparer et tenter leur chance chacun de leur côté.

Le cirque évolue, concurrencé par d'autres plaisir comme le cinéma, le Music-Hall. La musique noire américaine arrive à Paris, musique qui soulèvera les jambes des messieurs, faisant voler et raccourcir les jupes des dames et le numéro de Chocolat ne pèsera plus devant cette vague rythmique qui balayera la France.