Histoire de voir … histoires au pluriel
24 octobre 2023 à 13h00 au 24 octobre 2025 à 14h00
Combattant, militant internationaliste, il a utilisé sa caméra comme une arme pour dénoncer l'oppression dont se rendait coupable son propre pays.
De la Résistance à l'engagement du côté des Peuples colonisés d'Afrique, passant par les luttes sociales en France, sa caméra était tournée du côté des opprimés.
Il rejoint comme réalisateur fétiche deux autres cinéastes censuré, martyrisé par ce système Paul Carpita et Yann Le Masson tous les trois influencés par Joris Ivens.
Le temps leur rendra la place qui est la leur et les hommages à ces artisans du 7è art, illustrent un cinéma non pas engagé, mais au contraire dégagé des contraintes financières et des pressions politiques des pouvoirs en place, libre des sujets abordés, au service du Peuple et de ses luttes, bref inspireront demain de nouveau talents à poursuivre dans cette voie.
Vous pouvez découvrir le premier film de René Vautier dans ce coffret AFRIQUE 50.
Ce film censuré pendant un demi siècle et qui lui vaudra la prison apportait la preuve des méfaits et crimes dans l'ex AOF (Afrique Equatoriale Française), crimes pratiqués par les colons sous la protection de l'Etat de notre pays.
René Vautier jeune homme de 21 ans a tourné ce film en 1949, au nez et à la barbe des coloniaux et des autorités.
Ce militant antifasciste, titulaire de la croix de Guerre à 16 ans, allait faire de sa vie un combat contre le colonialisme et pour la défense des idéaux liés à la Résistance.
Oui, il faut sortir du colonialisme et surtout se rappeler les outrances, les crimes, les vols, commis au nom de la « mission civilisatrice » de la France.
Il est temps pour nous d'ouvrir les yeux sur ce mensonge que l'Etat à caché 50 ans.
Le film de René Vautier en est le témoignage direct.
Né le 15 janvier 1928 à Camaret en Bretagne d'un père ouvrier d’usine et d’une mère institutrice.
Il mène sa première activité militante au sein de la Résistance en 1943, alors qu’il est âgé de 15 ans.
Il est décoré de la Croix de guerre à 16 ans, comme responsable du groupe « jeunes » du clan René Madec, cité à l’Ordre de la Nation par le général Charles de Gaulle pour faits de Résistance (1944).
Il fait parti de cette école de cinéastes engagés d'après la guerre. La caméra pour eux est une arme à utiliser pour le combat émancipateur, documentaires, fictions tout est bon pour le combat émancipateur et leur adhésion aux luttes sociales.
Comme le Marseillais Paul Carpita, (1922 – 2009) lui même cinéaste engagé, résistant communiste qui après la guerre montait des documentaires montrant les luttes ouvrières inspirant le scénario de son premier film « Le rendez-vous des quais »,.
Ce film lui aussi a été censuré a sa sortie, dénonçant la guerre en Indochine dérangeant par ses convictions anticoloniales les va-t'en guerre de l'Algérie Française. Mais grâce à un concours de circonstance rocambolesque, le film est ressorti 25 ans plus tard et a connu une très belle carrière devenant référence aussi.
Je cite Paul Carpita car j'ai eu la joie de le rencontrer à de nombreuses reprises, à Paris ou à Bordeaux pour la sortie de ses deux films « Sables Mouvants », « Marche et Rêve » et des rétrospectives.
Le trait d'union entre Paul Carpita et René Vautier passe aussi par un autre cinéaste aujourd'hui aussi disparu, Yann le Masson, brestois (1930 – 2012) réalisateur de nombreux films comme
« Sucre Amer » et surtout « Kashima Paradise » en 1973, car il a travaillé avec les deux premiers cités.
Yann le Masson travaille en 1978 sur le film « Le poisson commande » avec René Vautier et en 1958 d'où le lien avec Paul Carpita qui a travaillé aux images dans le court métrage « La récréation ».
Mais tous ont été influencés par Joris Ivens réalisateur néerlandais (1898-1989) surnommé « le hollandais volant » car il est engagé sur tous les fronts et guerres.
Chine, Espagne USA, Vietnam.
Il travaille avec de nombreux cinéastes comme Lelouch, Alain Resnais, Agnès Varda, Chris Marker, Jean Luc Godard.
Quelques fims marquant « Terre d'Espagne »,en 1937, « Loin du Vietnam » en 1965, « Une histoire de vent » en 1988 et puis avec Gérard Philippe en 1956 « Les Aventures de Till l'Espiègle » en 1956.
René Vautier, l'infatigable cinéaste de témoignage publié le 05/02/2010
Portrait
Décoré à l'age de 16 ans de la croix de guerre pour faits de résistance, René Vautier a promis de ne plus jamais se servir d'une arme. Reçu au concours d'entrée à l'IDHEC, premier à l'écrit et deuxième à l'oral, il en sort en 1948, major de la section réalisation-documentaires. Cette jeune tête bretonne croit profondément que le cinéma a le devoir de raconter, expliquer et dénoncer. En somme, pour lui, la pellicule cinématographique assure la fonction de miroir, de témoin de son temps. Le cinéma n'est pas seulement un simple spectacle, il est moyen d'information sur les vérités multiples de l'époque qu'il représente.
Sa règle de conduite est de faire lui-même le cinéma qu'on ne veut pas lui donner et plus précisément qu'on ne lui laisse pas faire. Son cinéma est à l'opposé de toute production qui hypnotise les consciences.
Un cinéaste précurseur
René Vautier n'a jamais été tenté par le cinéma de propagande. Il le trouve trop orienté. Sa prédilection est le cinéma de témoignage. Ce type d'images consiste à montrer, à dire la vérité. Dès la sortie de l'IDHEC, la ligue de l'Enseignement lui demande de réaliser en 1949 un film destiné aux écoliers montrant comment vivent les villageois d'Afrique Occidentale. Il en revient avec un film en 16mm : "Afrique 50" un vrai pamphlet. Ce document a été cité par le jury du Prix Louis Lumière comme meilleur film documentaire de l'année et recevait la médaille d'or du meilleur documentaire. Cette récompense s'est soldée de treize inculpations et d'une condamnation à un an de prison.
"Afrique 50", premier film français anticolonialiste, inaugure le combat de Vautier. Depuis, il a définitivement – caméra au poing – choisi son camp : être de l'autre côté. Il tourne en avril 1950 "Un homme est mort". Ce film accompagné par la lecture d'un poème de Paul Eluard montre l'enterrement d'un ouvrier brestois. Il fut projeté dans les chantiers et les bistrots de campagne.
Du côté de l'Algérie
André Malraux écrit que "René Vautier est un français qui a vu juste avant les autres". Ce même Vautier opte pour la rupture avec un genre d'images et réalise "Une Nation d'Algérie". Il sera poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat à cause d'une phrase dans le documentaire : "de toute façons, l'Algérie sera indépendante, et il conviendra de discuter avec ceux qui se battent pour l'indépendance, avant que trop de sang ne coule". Puis il finit par rallier le FLN et tourner entre 1956-58 divers courts métrages dont "Algérie en Flammes". De cette rencontre avec un Français vont naître les premières images algériennes. Elles seront enrichies par d'autres hommes de cinéma français dont quatre amis de Vautier : Yann Le Masson et sa femme Baidar Paliakoff, Pierre Clément et Cécile Cujis.
L'opérateur Pierre Clément a tourné en 1957 avec Vautier "Anneaux d'Or" premier film tunisien primé à Berlin (Ours d'argent), avec Claudia Cardinale dans son premier rôle. Grâce à Clément et Vautier, on a des images témoignant des bombardements de Sakiet Sidi Youssef le 08/02/1958. Cette attaque a fait 70 morts dont la majorité sont des élèves de l'école primaire du village. Quant à Cécile Cujis (de la bande des quatre amis) appelée pour être scripte sur "Anneaux d'Or", elle a préféré tourner "Les réfugiés dans un camp de la frontière" avec l'aide de Hédi ben Khelifa.
René Vautier, Yann Le Masson et sa femme ont tourné "J'ai huit ans". Dix minutes de court métrage à base de dessins d'enfants algériens. C'est un film accusateur qui sonne vrai. De 1958 à 1960, recherché en France pour aide au FLN, René Vautier se trouvait dans une cellule de condamnés à mort d'une prison du G.P.R.A. Il en sortira en juillet 1960 avec les excuses du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) et l'hommage de ce gouvernement algérien. Après l'indépendance de l'Algérie, il crée à Alger le centre Audiovisuel et devient président de l'association des cinémas Populaires.
Il est le seul Français élu à la tête d'une association algérienne.
L'œuvre et le style
Riche, variée en différents supports, telle est l'œuvre de Vautier. Du documentaire à la fiction en passant par les films/émissions, René Vautier a traité divers problèmes dont le colonialisme, les luttes de libération, l'immigration, le racisme (avec hommage spécial du jury International du film antiraciste pour l'ensemble de son œuvre), la censure (grève de la faim en 1973 pour que "Octobre à Paris" de Jacques Panijel obtienne son visa), les essais nucléaires. Il a aussi livré des témoignages avec une série intitulée "Marginaux d'Histoire histoire d'images". Son répertoire se compte par dizaines.
Fin observateur, Vautier puise ses sujets dans la réalité et offre aux gens filmés l'occasion de parler. Il reconstruit sa matière d'une façon séduisante et assure une authenticité qui ne dérange en rien le style. Il ne cultive pas l'ennui. Au contraire, il le bannit en construisant une esthétique agréable à l'œil et à l'oreille. Toute la linguistique du 7è art est mobilisée pour que l'œuvre soit belle. Ses films de fiction sont attachants. Ils sont servis par la fine crème du cinéma français tels que Antoine Boufauti, un des meilleurs ingénieurs de son français et professeur à l'INSAS et Yann Le Masson, habile directeur de photo et bon réalisateur comme en témoigne son film "Kashima Paradise" sélectionné à Hollywood pour un Oscar en 1974. Ses films relatent les évènements et exposent les conceptions sans désagrément. On ne se lasse pas de les voir ne serait-ce que pour les belles images. Des chansons à la manière des "Songs" brechtiens.
Laissons parler deux critiques de deux films de Vautier tournés en Tunisie le premier en 1971, le second en 1973.
Marcel Martin écrivait à propos de la fiction "Avoir vingt ans dans les Aurès", Prix de la critique à Cannes (1972) "C'est sur cette sale guerre qu'il témoigne ici d'un étonnant film dont l'originalité absolue est qu'il montre pour la première fois la guerre de l'Algérie vue de l'intérieur… Ces bidasses qui chahutent comme des gamins entre deux "ratonnades" donne assez bien le ton et le climat de la vie quotidienne du soldat en guerre, cohabitation assez effrayante de la sottise et de la violence, ceci expliquant cela et réciproquement".
Quand à Férid Boughdir, il a écrit en 1974 à propos de "La Folle de Toujane" (Prix de la Fédération Internationale des Ciné-clubs) "C'est un appel tonique à la révolte et à la liberté, un brouillard généreux, brûlant d'un romantisme dont le cinéma a perdu le secret".
En guise de conclusion
Il y a 28 ans, Vautier était quinquagénaire et le même Férid Boughdir disait de lui : "Il reste le plus jeune des cinéastes Français".
Quant à moi je dirais que cet octogénaire demeure lucide, vaillant, intarissable, juste, vigoureux, pamphlétaire, fidèle à son camp. Il est serviteur des causes nobles là où elles se trouvent, croyant toujours – et faisant croire – que dans l'autre coté il n'y a pas que des ennemis, qu'il y a aussi des amis avec qui on peut dialoguer, échanger et écrire, ensemble, l'histoire.
publié le
05/02/2010
Mahmoud JEMNI