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Évènements associatifs

La revue ANCRAGE (Mémoire des métissages du Sud-Ouest) publie au mois d’avril un article de notre ami  Jean-François Meekel consacré au Clown Chocolat.

 

Ancrage réunit une quinzaine de rédacteurs, journalistes, historiens, documentalistes archivistes, qui associent leur énergie pour rendre compte de l’histoire de l’immigration en Lot-et-Garonne et dans le Sud Ouest.

 

Des exemplaires seront à disposition pour l’AG du 7 avril à partir de 18 h à l’Athénée Municipal.

Pour en savoir plus : http://www.ancrage.org/

RAFAËL PADILLA, L’ARTISTE OUBLIÉ DE BORDEAUX

Rafaël Padilla dit Chocolat –esclave, noir, étranger et saltimbanque, de la Havane aux lumières de Paris- sort enfin de l’oubli, un siècle après son inhumation au cimetière de Bordeaux. 

Une rencontre avec L’Assopourquoipas33 et le Collectif DES AMIS DU CLOWN CHOCOLAT

Le clown Chocolat, l'artiste oublié de Bordeaux (revue Ancrage)

L’association des amis du clown Chocolat organisait à Bordeaux en février, avec de nombreuses autres associations, une quinzaine du clown Chocolat : expositions, films, rencontres, et le dévoilement d’une plaque hommage sur le mur du cimetière protestant. Le début de nombreuses manifestations jusqu’au centenaire de la mort du clown, le 9 novembre 2017.

Jean-Pierre Lefèvre est l’un des piliers de l’association.

J-P L : Ma première rencontre avec Chocolat s’est faite par le premier livre de Gérard Noiriel sur Chocolat clown nègre ; j’ai découvert alors qu’il était mort à Bordeaux et enterré dans une fosse commune comme on disait à l’époque et cela m’avait d’autant plus choqué qu’il avait eu une vie remarquable : premier artiste noir, découvreur du hip hop, c’est lui qui prit l’initiative d’aller comme clown dans les hôpitaux, un homme aussi qui a été aimé par une femme, c’est assez exceptionnel d’être aimé dans la vie, c’était son cas.

Ancrage – Quel regard portez-vous sur son parcours entre ce Chocolat clown qui donnait une image de la victime, celle du nègre qui prenait les claques, par rapport à l’homme Rafael qui luttait pour sa dignité ?

J-P L : Comme on dit à son propos, c’est un homme ordinaire au destin extraordinaire et c’est vrai quand on connait sa vie et sa profonde humanité. Il a complétement intériorisé cette humiliation permanente mais il savait parfaitement quel rôle il jouait et il a joué de ces mots en les retournant ; il a retourné le gant en faisant le bien autour de lui, le rire, déjà puis en s’occupant toujours de la souff rance des autres bien que lui-même a énormément souffert. C’était pas un saint mais quelqu’un qui avait une dignité de vie formidable et qui était très positif. C’est un personnage très moderne car nous sommes tous confrontés à des souff rances pas forcement raciales. Et d’avancer comme il le faisait toujours -d’ailleurs, c’est un danseur et l’équilibre permanent de sa danse est là pour le rappeler- c’est très encourageant. C’est d’abord un individu, Chocolat, c’est ça qui me plaît dans ce personnage.

Ancrage – Et d’une grande intelligence pour s’ adapter à une époque où c’était plus compliqué qu’aujourd’hui sans doute ?

J-P L : Il faut imaginer qu’à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de noirs et son succès, ce fut aussi cette curiosité. C’était quelqu’un qui ne parlait pas français. Il parlait espagnol donc, vous imaginez, il arrivait dans un monde qui lui était complètement inconnu, et il a été capable quand même de survivre. Des relations très ambiguës avec Foottit, maître esclave, oui, mais ce n’est pas toujours dans le même sens ; d’ailleurs certains numéros filmés par les frères Lumière montrent que lui aussi donnait des coups. Il est très complexe comme personnage.

Un regard bienveillant sur le Monde
Un regard bienveillant sur le Monde

Ancrage – Comment expliquer cette fin, la disgrâce, l’indigence ?

J-P L : Plein de raisons, un phénomène de mode, il danse le cake walk, ça tourne, ça passe et puis la fin du 19ème siècle voit arriver le cinéma, le music-hall sous sa forme moderne et puis il est démodé. Et puis intervient aussi l’Aff aire Dreyfus ; beaucoup d’intellectuels qui en rigolaient, des colonialistes, des gens de gauche comme on dit maintenant, mais qui étaient colonialistes avec une image dévalorisante pour les populations colonisées, on pouvait rire sans problème du pauvre noir, du noir ridicule etc. Avec l’aff aire Dreyfus naît une opinion anti-raciste alors on fait en quelque sorte le ménage, on met sous le tapis les poussières et du coup on enterre d’autant plus cet artiste. Ce fut la même chose avec un autre cubain Severiano de Heredia, maire noir de Paris qui a subi le même phénomène d’oubli.

A quelques mois du centenaire de la mort de Chocolat, Rafael Padilla, avec cette expo, nous ne sommes qu’aux prémices d’une série de manifestations en hommage au clown. On a joué sur l’opportunité de la sortie du film pour avoir cet écho ici, cette exposition, deux places inaugurées au nom de notre ami Rafael.

Nous sommes en relation avec les gens de Bilbao qui ont eux aussi fait une plaque hommage. Nous avons des projets avec le comité national de l’histoire de l’esclavage pour aller sur Paris. Puis, l’année prochaine, un sculpteur bordelais, Régis Pedros, très inspiré par l’histoire de Chocolat va créer une statue à son effigie que nous pourrions mettre dans la place que la ville de Bordeaux va inaugurer en juin sur le quai de Queyries et peut-être trouver là un aboutissement à notre travail de mémoire.

Ancrage – Le film ?

J-P L : Une fiction autour d’une réalité celle de Chocolat. Beaucoup de choses apparaissent dans ce film l’esclavage, l’humiliation, le talent, les relations ambiguës et complexes avec Foottit, le succès public, l’amour avec cette femme qui est formidable, les relations avec les enfants, un décor magnifique et des moyens formidables, d’excellents comédiens, James Thierrée, (petit- fils de Charlie Chaplin, ndlr). De temps en temps on a l’impression que c’est Chaplin qui est sur le devant de la scène, c’est un choix très judicieux car, le prolongement de Chocolat, c’est Chaplin. |

| Propos recueillis par Jean-François Meekel

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