Histoire de voir … histoires au pluriel
24 octobre 2023 à 13h00 au 24 octobre 2025 à 14h00
Généalogie et anecdotes
PourQuoiPas de la Généalogie en ces temps de confinement ? C’est ce que je fais en me replongeant dans des recherches généalogiques, recherches vécues en pointillés et par saccades depuis la fin des années 1980 … Que de changements depuis 40 ans pour les amateurs. Grâce au travail de nombreux cercles généalogiques, des archives départementales et des généalogistes, les recherches ont évolué et chacun à présent peut grâce à des sites comme Généanet ou Filae, remonter ses lignées d’ancêtres assis dans son fauteuil et consulter ainsi à la maison les archives microfilmées ou scannées, le tout gratuitement….. un luxe. C’est une occupation qui certes s’est grandement démocratisée, mais elle est chronophage. La facilité n’est pas de mise, puisqu’un bon généalogiste se doit de recouper les pistes qui lui sont offertes. Si le terrain est balisé, il reste bien broussailleux et plein de petits diverticules ou vous risquez de vous égarer. Vous allez parfois, avec l’aide de lointains cousins retrouver votre chemin.
Généalogie et Histoire
La généalogie n’est pas seulement un empilement de noms, c’est aussi une rencontre avec l’Histoire. Nous sommes tous issus de familles recomposées, migrantes, tant à l’échelle locale, nationale ou internationale. Nos racines plongent au plus loin de notre actuelle situation géographique.
Ce qui est intéressant pour les plus anciens, à l’époque ou les familles se réunissaient encore, c’est de convoquer la mémoire orale transmise lors des repas ou événements familiaux avec ces recherches. S’apercevoir que telle lignée a été (volontairement ? ) oubliée ou mise en avant et en trouver la raison. Souvent des enfants abandonnés, des filles mères ou des criminels ???? De voir aussi l’effacement des lignes cognatiques (ascendance des femmes) écrasées ou ignorées au profit de celles des hommes (lignes agnatiques). Bref vous avez déjà là une matière à corriger, à remettre de l’ordre et de l’égalité dans votre histoire familiale.
Petit Rappel historique et méthodologique
Je parlais d’Histoire et pour ce qui est de l’espace nationale actuel, il est loin, avant la Révolution Française de constituer un espace cohérent. En 1539, c’est par l’Édit de Villers Cotterêt que de François 1er1 impose le français comme langue officielle dans son Royaume, bien loin d’être unifié à l’époque. C’est au cours du XVIIè siècle que cela sera mis progressivement en place. J’ai ainsi pu le vérifier pour le Nord, la Picardie, la Lorraine, la Bretagne ou le Berry. Pour info l’acte de naissance le plus ancien en ma possession, pour l’instant date de 1635, avec le nom des parents s’il vous plaît !!!! C’est un peu exceptionnel. Rappelons que l’État civil était à la charge de l’Église Catholique, qui était d’ailleurs en avance, car qui dit baptême dit converti supplémentaire, en plus du contrôle sur les habitants. et malheur aux Juifs, aux cagots2, bohémiens, bref aux “autres”.
Les Guerres, notamment celles de Religion, la Fronde, les conflits sur les zones frontières, les destructions, les incendies d’Églises, la détérioration naturelle des documents font qu’il est souvent aléatoire de retrouver des documents officiels.
Cent fois sur le métier
Alors là, il ne faut pas se décourager et il devient alors nécessaire pour faire parler vos archives de se plonger dans cette histoire régionale. Vous y découvrirez des tas de choses terribles et en ces temps de virus et de confinement vous découvrirez les ravages de la peste, puis le choléra qui déciment des villages entiers (pas ou plus d’archives), les guerres de villages, les concurrences économiques et en plus des épidémies, les destructions agricoles et toutes les catastrophes naturelles. Nos ancêtres sont des héros !
Et là vous touchez un autre domaine, celui de l’histoire des régions de vos ascendants. (lire à ce sujet une Histoire de la France buissonnière de Graham Robb) 3 Mais vous trouverez des tas d’autres moyens de vous informer et le premier sur les réseaux sociaux grâce à l’histoire que vos lointains cousins ont déjà exploré pour vous. Car la généalogie c’est à la fois une affaire individuelle mais un univers collectif. On ne rester autocentré, il faut nécessairement s’ouvrir sur le Monde. Découvrir, accompagner les parcours des ancêtres, parcours de vies, leurs contraintes, leurs métiers, leurs migrations à la lumière du contexte ou cela se produisait. On comprend mieux ainsi les actuelles migrations qui obéissent elles aussi au même mouvement que nos ascendants.
Les pagus
Au XVI è et XVII è siècles, l’univers se limitait pour nos ancêtres à leur géographie locale (montagnes, rivières, plaines ….) délimité par les clochers avoisinants et ne dépassait pas un rayon de 20 km autour du sien propre. Le pagus4 n’avait guère évolué depuis les gaulois et les celtes, sauf sur les axes commerciaux (Paris, Est, Marseille, Bordeaux …) ou les échanges nombreux existaient entre les ports et les Foires.
C’est dans ces pagus que mariages, échanges y étaient donc circonscrits. C’est là une des difficultés pour vous y retrouver. Cette organisation de l’espace est très originale et continue à survivre aux grands bouleversements du XIXè siècle et même à la Guerre de 14 pourtant si cruelle et destructrice du monde de nos ancêtres. L’attachement des français à leur commune, région ou département est un fait social et politique toujours vivace. On en trouve encore la survivance dans les appellations et origines contrôlés de nos produits agricoles et viticoles signe de qualité et d’enracinement. Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage … disait le Général de Gaulle, fin observateur de la France, de son Histoire et ses habitants.
A l’origine des noms !
Les noms étant souvent écrits en phonétique, l’orthographe capricieuse, le surnom étant aussi la règle. Après tout dans le Bas Moyen Age c’était le prénom qui servait d’identification. On attribuait au baptême le prénom du saint du jour ou celui du père, de l’oncle, de la tante, du parrain ou de la marraine. L’arrivée de patronymes est plus tardif ; il date du XII è XIII è siècle, qui correspond d’ailleurs à une mobilité plus importante des populations (croisades, pèlerinage, construction des cathédrales, commerce….) et la nécessité de mieux se différencier ou caractériser
On voit donc apparaître les patronymes liés
- aux caractères physiques comme les Le Gros, Leroux, Legrand, Le Borgne, Le Petit ….
- de lieux Dupont, Du Moulin, Rivière, Bourguignon, Le lorrain, Lallemand, Delpuech
- de métiers Laboureur, Vigne, Boucher
- de statuts Chevalier, Le Noble, Lécuyer …
- ou fils de Jean fils de martin ou Robert fils de Pierre devenu Robespierre.
- Pour les nobles un statut spécial leur est consacré et ils prennent bien souvent le nom de leur terres.
Puis déclinés suivant les langues régionales, occitan, catalan, corse, alsacien, francique, lorrain, flamand, breton, basque, réunionnais, Antilles, Afrique ….
Prenons exemple sur les Lefèvre. Patronyme issu du latin faber (celui qui fait) se retrouve écrit Lefebvre, devient Fabre dans le sud ou Faure, racine que l’on retrouve dans les métiers comme maréchal ferrant, orfèvre ….. en Italie c’est Ferrari, en Allemagne Schmitt ou Smith en Angleterre, bref aucune fierté particulière à porter tel ou tel patronyme, une question d’opportunité que l'”Autre” nous impose pour être reconnu par et dans la la société. D’ailleurs cette obligation et justification du nom ne date que de Clémenceau……
Anecdote. Connaissez vous la soule ou la choule
Bon j’en arrive à une petite anecdote qui est révélatrice de l’intérêt pour la généalogie et ce qu’elle peut nous apprendre.
Vous connaissez peut être le film consacré à ce jeu, la Soule réalisé en 1989 par Michel Sibra avec un bon nombre d’acteurs de talents comme Richard Bohringer, Christophe Malavoy, Marianne Basler, Jean François Stevenin, qui raconte à travers l’affrontement de deux hommes, comment ce jeu de la soule5 était pratiqué dans le Sud Ouest, opposant deux villages pour régler des contentieux …. on dit que le rugby, le football s’en seraient inspiréq ou tout du moins que le succès de ces sports serait dû à l’existence de ce jeu ancien dans la région….
J’en étais là de mes réflexions et certitudes d’à peu près quand dans mes recherches je m’égarais en Picardie et plus particulièrement dans le village de Tricot…… si, si ce village existe bien, il est pas à l’origine du vêtement, bien que la laine y soit récoltée encore au XIXè siècle. Il ne doit son nom qu’à son blason orné de trois coqs.
Tout à ces recherches, je suis tombé par hasard sur une vidéo montrant le jeu de la Choule disputé en 1947, dans le village de Tricot.
Ce jeu remonte au moins au Moyen Age. Il est toujours populaire et joué à Tricot, le Lundi de Pâques, sauf cette année pour cause de confinements.
Et en 1947 : LA choule en 1947 village de Tricot Oise
La Choule à Tricot Oise en 2012 : Chaque lundi de Pâques, c’est immuable, à Tricot, dans l’Oise, on choule. C’est ainsi depuis des siècles, les hommes mariés affrontent les célibataires. A près de mille kilomètres de là, un jeudi du mois de mars, chaque année, à Jedburgh, en Ecosse, c’est Ba’Game. Portrait croisé de deux façons de jouer.
En Angleterre, les habitants d’Ashbourne jouent chaque année depuis des siècles au traditionnel “Royal Shrovetide football”. Pendant deux jours, le mardi gras et le mercredi des Cendres, les hommes nés au nord de la rivière Henmore affrontent les gars natifs du sud dans les rues de la bourgade. Ce jeu viril, variante de la soule en France et que l’on dit “ancêtre du rugby”
Ancêtre commun du football et du rugby, le jeu de la soule, dangereux au point d’être prohibé en 1369 mais qui avait conquis la France au XVe siècle, opposait deux paroisses ou les mariés aux célibataires, et se pratiquait avec une boule en bois ou en cuir, que les participants propulsaient à l’aide de bâtons, de leurs poings ou de leurs pieds.
1Histoire de l’État Civil en France
2 Origine mystérieuse. Parias parmi les parias, les Cagots peuvent être comparés aux intouchables indiens. Ils furent présents dans toute l’Europe au moyen âge ; en Bretagne, dans le Bas-Poitou, en Guyenne, en Gascogne, dans le pays basque, en Navarre et surtout en Béarn
3 Une histoire buissonnière de la France
4 Le mot latin pagus (au pluriel pagi), traduit par « pays », désigne une unité territoriale gallo-romaine inférieure à celle de la civitas, puis, à l’époque médiévale, une subdivision territoriale particulière liée à certains pouvoirs publics hérités de l’ancienne civitas.