Histoire de voir … histoires au pluriel
24 octobre 2023 à 13h00 au 24 octobre 2025 à 14h00
Voici un article sur le film Chocolat de Sylvie Chalaye, universitaire spécialiste de l'histoire de l'art et du spectacle, qui apporte à notre réflexion son regard critique, très utile nous amanant à apprendre et rechercher la véritable présence des afro antillais "n France en cette période du colcolonialisme triomphant, ses ambiguïtés et apports dans la société française.
Lors de notre quinzaine, la rencontre avec l'écrivain Paul Estrade nous révélant (pour certains), le développant pour d'autres que Paris avait connu un maire noire ; Sévériano de Hérédia qui était lui aussi cubain d'ailleurs.
Le film lui ne nuance guère ce propos en caricaturant la vie de Chocolat (alcool, femme etc.) la limitant à son rapport avec Fottit (mentor taciturne, artiste et raisonnable), un rapport de "maître à esclave"??????
On peut ne pas être d'accord avec elle, mais en lisant cet article on ne peut éviter de penser que ce film entretien ces préjugés.
On ne les combat pas même avec de la bonne volonté.
Ils ont la vie dure.
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Le film Chocolat : des comédiens formidables mais ……..
Chocolat : sombre mélo en noir et blanc !
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Sylvie Chalaye
Le biopic, qui devait faire connaître au plus grand nombre le clown Chocolat, n’aura contribué au final qu’à nous éloigner davantage du réel en faisant de sa vie un mélodrame sordide et en le condamnant encore une fois à disparaître pour laisser place dans les mémoires à la chute vertigineuse d’un « pauvre nègre » qui a voulu s’arracher à sa condition, sortir de sa « peau » et que la fatalité ramène à son point de départ.
Sylvie Chalaye est anthropologue, professeur et directrice de recherche à la Sorbonne Nouvelle. Elle a co-dirigé La France noire. Trois siècles de présences (La Découverte, 2011). Ses recherches explorent l’histoire des arts du spectacle et des représentions de l’Afrique et du monde noire dans les sociétés occidentales.
Chocolat meurt d’avoir voulu s’élever plus haut. Non seulement cette morale fataliste n’aide pas les Afro-descendants à reconstruire leur histoire, mais surtout elle ne correspond en rien à la destinée de cet enfant d’esclave cubain que son étoile a conduit jusqu’à la piste du Nouveau Cirque dans le Paris de la Belle Époque et dont la notoriété a été extraordinaire. Le film passe à côté d’une vraie opportunité de donner aux Noirs de France un héros en référence, mais aussi de dresser un tableau de la Belle Époque qui montrerait la présence des Noirs dans le monde du spectacle, car Chocolat était loin d’être le premier et le seul artiste noir de la scène parisienne en 1900. Le réalisateur Roschdy Zem a préféré focaliser le film sur le tandem en noir et blanc qu’il a formé avec Footit et le réduire à l’image qu’en a laissé un dessin de Toulouse-Lautrec : le nègre qui se fait botter le cul !
Pourtant Chocolat connaît le succès bien avant sa rencontre avec Footit grâce à un spectacle qui fit fureur de 1888 à 1897 au Nouveau Cirque, La Noce de Chocolat. Il en était la vedette et s’affichait au bras d’une belle blonde, image de provocation remarquable pour l’époque. Mais le film préfère en faire un minable, perdu dans un cirque de campagne et réduit à jouer les cannibales, couvert d’une peau de bête et affublé d’un chimpanzé. C’est Footit qui le prend en main et lui apprend le métier de clown.
Le romantisme sombre de James Thierrée, la bouille sympathique et la gouaille d’Omar Sy font mouche. Et au final le film raconte surtout une « amitié impossible » entre le Blanc et le Noir. Footit apparaît comme l’ami raisonnable, sombre et taciturne, alors que Chocolat courtise les femmes, fréquente des tripots, s’encanaille, contracte des dettes… La persévérance et la fidélité sont du côté de Footit. Il ne tournera jamais le dos à son ami et lui donne même de l’argent pour survivre. Chocolat meurt dans ses bras de la tuberculose… sombre mélo en noir et blanc ! Mais, au service de la bonne conscience, cette fable moralisatrice, celle d’un grand enfant ingrat que Footit a sorti du ruisseau et qui s’est retourné contre son bienfaiteur, n’est pas l’histoire de Chocolat.
Vouloir stigmatiser le racisme du temps des colonies et mettre en avant le paternalisme hypocrite d’une société française qui rit de Chocolat et s’émeut de ses pochades est une ambition nécessaire. Mais plier la vie de Chocolat à ses intentions et ajouter même de la violence physique pour atteindre son but, c’est comme fabriquer des preuves à charge pour mieux s’assurer que le coupable sera condamné et provoquer finalement un vice de forme qui prive la société française d’un vrai débat.
La brutalité que subit Chocolat dans le film, celle des policiers et celle des malfrats qui viennent lui briser la main pour récupérer leur argent se confond avec la violence raciste qui était celle des Amériques de la ségrégation. Or la France n’est pas l’Amérique ! Tant qu’on abordera pas la vraie histoire coloniale française et celle des premiers temps de l’immigration des Afro-Antillais en France dans toutes leurs complexités avec leurs paradoxes et leurs contradictions, on ne pourra pas dépasser le traumatisme qu’elle représente. Il ne faut pas se mentir, mais regarder la réalité en face même au cinéma.
Pour suivre ces travaux et recherches : http://www.achac.com/blogs
Depuis 1989, le Groupe de recherche Achac travaille sur plusieurs champs liés à la question coloniale et postcoloniale (idéologies politiques de la colonisation, développement des cultures coloniales et postcoloniales ; zoos humains et spectacles ethniques, représentations de l’altérité ; histoire militaire et troupes coloniales), mais aussi à l’histoire des immigrations des suds à travers différents programmes.
Les programmes Zoos Humains, Colonisation & post-colonialisme s’attachent à analyser les prolongements contemporains de la représentation coloniale et des enjeux liés à la situation coloniale.
Les programmes Immigrations de Suds, Sports et Diversités et Mémoires Combattantes portent sur les spécificités des immigrations coloniales et post-coloniales dans l’histoire générale des immigrations en retraçant l’histoire de leurs présences sur le territoire hexagonal.
Ces programmes sont complétés par le programme Diasporas en France traitant de l’immigration des Afro-Antillais et de l’océan Indien en France et analysant la place des populations maghrébines et orientales en France. Tous ces programmes s’articulent autour de nombreuses activités de recherches, d’édition, de manifestations scientifiques ou grand public depuis 25 ans (www.achac.com) qui touchent aussi bien le monde l’édition, de la recherche (conférences et colloques), de l’audiovisuel, des actions pédagogiques ou encore des expositions en France et hors de France.