Histoire de voir … histoires au pluriel
24 octobre 2023 à 13h00 au 24 octobre 2025 à 14h00
Voilà la fin de notre feuilleton de l'été, tiré de l'article d'Annick Amar, paru dans le journal le 18è du mois, retraçant la vie de Marie Hecquet, la Veuve Chocolat.
Nous nous quitterons sur cet épisode VII. Après le succès, une fin de vie marquée par les difficultés financières, de santé pour la famille Chocolat.
La Belle époque n'a pas été aussi belle pour tout le monde.
La veuve amoureuse
En 1906, apprenant que Chocolat est sans ressources et malade, le Figaro fait appel à la générosité de ses lecteurs. Le journal reçoit 1043 Francs qu’il remet au clown.
A partir de 1910, Suzanne tombe malade et Chocolat va lui rendre visite à l’hôpital habillé en clown pour lui redonner le sourire et de la force.
Il renouvelle cette action en visitant notamment deux fois par semaine les hôpitaux Hérold et Tenon et va être un pionnier, sans le savoir, de la thérapie par le rire.
En 1911, Eugène part au service militaire.
A son retour, il forme avec Chocolat un duo intitulé « Tablette et Chocolat », au cirque Medrano, qui ne rencontre pas le succès escompté.
En 1913, Suzanne décède, à 19 ans, de la tuberculose ; Chocolat sombre alors dans l’alcool et la dépression.
Le 4 novembre 1917, il meurt à Bordeaux au cours d’une tournée avec le cirque ambulant Rancy. Il est enterré dans une fosse en pleine terre du cimetière protestant sous le nom de Rafael Padilla.
Padilla est un patronyme inventé par un employé municipal, au prétexte qu’un homme ne pouvait être enterré sans identité légale alors que Chocolat a vécu toute sa vie sans nom sans que cela ne dérange personne.
Il n’a jamais pu épouser Marie car il n’avait aucune existence au regard de l’état civil en raison de son double statut d’esclave sans nom de famille et d’immigré sans papier d’identité. Dommage pour eux car en 1886, l’année où il a été engagé par le Nouveau Cirque, ses compatriotes ont tous obtenu un état civil car l’esclavage était aboli à Cuba ….
Néanmoins, jusqu’à la fin de sa vie, amoureuse assumée, Marie Hecquet se présentait toujours aux gens qu’elle rencontrait et dans ses courriers à l’administration en qualité de « Madame Raphaël Chocolat » et n’aura de cesse de promouvoir sa mémoire.
Stars noires de la scène parisienne au dix-neuvième siècle
Chocolat est considéré comme la première star noire de la scène parisienne car il est le premier à avoir construit une relation durable avec le public, grâce à la démocratisation du spectacle vivant, au triomphe de la presse de masse, de la publicité et du cinéma muet. Il est ainsi devenu un personnage familier pour un très grand nombre de Français.
Néanmoins, dès les années 1870, le dompteur de fauves Delmonico et la trapéziste, Miss Lala, connurent eux aussi une immense mais brève popularité, il est vrai, vite appelés sur d’autres scènes européennes. Le succès de ces artistes étaient aussi du, il faut bien le dire, à leur couleur de peau, peu répandue à l’époque, qui suscitait la curiosité des spectateurs avides d’insolite….
D’ailleurs, maints promoteurs de spectacles n’éprouvaient aucun scrupule à utiliser cette particularité pour attirer le public. A la fin du 19 ème siècle, il n’y avait, à Paris, que très peu de personnes de couleur noire.
Néanmoins, la présence de plusieurs centaines d’intellectuels et d’étudiants d’origine haïtienne, guadeloupéenne et guyanaise est attestée. Il est difficile d’être plus précis, car il n’y a jamais eu en France, de statistiques ethniques à l’instar des Etats-Unis, où la question de la race est clairement posée ; l’esclavage obligeant à un tel décompte.
Ainsi, dès le premier recensement de 1790, la population américaine est subdivisée en trois catégories : hommes blancs, femmes blanches et esclaves noirs.
En France, depuis la révolution de 1789, la population est officiellement répartie en deux groupes n’ayant rien à voir avec la couleur de peau mais avec la nationalité : les Français et les étrangers non dotés de la nationalité française