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Évènements associatifs

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Flora Tristan et sa descendance

« L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est la prolétaire du prolétaire même. »

            Flora Tristan

Flora Tristan eut avec André Chazal qu’elle épouse à 17 ans, trois enfants. Deux garçons, Alexandre (1822-1831), Ernest  (1824 – 1879), et une fille Aline (1825 – 1879), future mère de Paul Gauguin (1848-1903) et de sa sœur Marie. Intéressons nous à cette famille décomposée, pas composée ?

Les parents

Dans la famille d’abord le père.

André Chazal est né à Paris le 13 juillet 1796, mort à Évreux le 16 avril 1860.  Il est le frère du peintre Antoine Chazal (1793-1854) et exerce la profession de graveur-lithographe et possède un atelier Flora va se faire embaucher comme coloriste. L’histoire retient de lui ses maltraitances familiales et sa tentative de meurtre contre son épouse le 10 septembre 1838.

En effet, accusé en juin 1837 de relations incestueuses sur sa fille Aline, alors âgée de 12 ans, qu’il avait enlevée, il est emprisonné de façon préventive à Sainte-Pélagie. Il sortira lavé de cette accusation portée par Flora Tristan, et pourtant confirmée par le frère d’Aline, Ernest, alors âgé de 13 ans. Puis, le 10 septembre 1838, il tire deux coups de feu sur Flora.

Condamné en 1839 à vingt ans de travaux forcés, il fut défendu par l’avocat Jules Favre qui sut faire de la victime une coupable. Il voit sa condamnation à l’exposition publique commuée par le jury qui lui accorda les circonstances atténuantes ??? Il est incarcéré au Château de Gaillon où, il composa un poème, se complaisant dans le rôle de la victime, et se définissant comme le « Paria Chazal », reprenant le titre du livre de Flora, « les Pérégrinations d’une paria ».  Poème d’André Chazal rédigé en acrostiche, composé en prison : “Le Paria Chazal

.

  Tête de Méduse, par André Chazal

Tête de Méduse, par André Chazal

L  Le jour où pénétré des rêves de famille
E Éclos mes maux, ô jour ! jour en l’enfer me grille.
P Persécuté, trahi par celle que j’aimais.
A Accablé par les traits de sale calomnie ;
R Réclamant la justice, oublieux désormais ;
I Inutile ! l’intrigue m’entraîne pour jamais,
A Au bout du précipice où suis l’ignominie
C Chargé de tant de maux, succombant à la peine ;
H Harcelé par la haine, abimé, hors d’haleine ;
A Au destin me livrant, à mon âme beaucoup,
Z Zélé d’humanité envers et contre tout
A Abandonnant la haine et trop lourde ou pesante
L L’harmonie de mon âme ira toujours croissante. .

(L’orthographe du manuscrit a été respectée) 1                                                                                                                                                                                                                                              

Libéré par anticipation le 5 mars 1856, il s’installe comme brocanteur à Évreux et y meurt quatre ans plus tard.

Flora Tristan, née le 7 Avril 1803 à Paris et morte le 14 Novembre 1844 à Bordeaux est une femme de lettres, une penseuse, militante féministe, socialiste et grande voyageuse.

D’origine franco-péruvienne, Flora Tristan, de son vrai nom Flore Célestine Thérèse Henriette de Moscoso est la fille de Mariano de Tristán y Moscoso (né le 15 Décembre 1760 à Arequipa – mort le 14 juin 1807 à Paris) aristocrate péruvien, et d’Anne-Pierre Laisnay, parisienne émigrée à Bilbao pendant la Révolution française. Mariano et Anne-Pierre se sont mariés religieusement en Espagne, mais à leur retour en France en 1807, ils ne régularisent pas le mariage. Mariano meurt à Paris. Flora leur fille, notera, dans Pérégrinations d’une paria :

 « Mon enfance heureuse s’acheva, à quatre ans et demi, à la mort de mon Père ».

L‘absence de mariage civil empêche sa mère de faire valoir ses droits sur les biens qui leur reviennent. Leur maigre fortune ne les empêche pas de sombrer dans la misère ce qui conduira Flora dans l’atelier d’André Chazal pour travailler comme ouvrière coloriste. On connaît la suite ici

Chazal lui même, a connu une enfance sans père et est élevé par son frère Antoine. La relation du couple Chazal s’annonce donc hasardeuse et difficile à cerner. Flora Tristan est indifférente à la naissance de ses deux garçons. Par contre elle entretient avec Aline des rapports à la fois fusionnels quoique lointains. Elle n’a jamais vécu avec ses fils, qui furent confiés soit à la garde de sa mère Anne-Pierre (née le 5 février 1772 et dcd le 24 janvier 1844), à celle de son oncle, le commandant Laisnay ou placés en pensions. C’est seulement à 8 ans, en 1832, un an après la mort de son frère, que le pauvre Ernest sera officiellement confié à son père, après la séparation de corps de ses parents, Aline restant avec sa mère.

Mais avait elle le choix ? Poursuivie par la jalousie de Chazal qui utilisait ses enfants comme moyen de chantage, Flora, se trouva dans l’urgence de trouver des ressources financières. Avec Aline, elle se découvre mère. Une mère qui voit dans sa fille son prolongement. De part la ressemblance physique qui est troublante et troublera quelques années plus tard le vieil oncle Pio, découvrant Aline,adulte, au Pérou. Toutefois les caractères des deux femmes sont aux antipodes, créant des frictions entre elles, malgré des liens qui resteront étroits. Voir le point de vue de Georges Sand.

Les enfants

Le premier fils Alexandre mourut en nourrice. Seuls ont survécu Ernest et Aline, dont l’enfance a été ballottée entre leurs parents, les Laisnay, et les pensions.

Alexandre Gustave Chazal

Naissance 1822 à Paris Décédé à 9 ans le 22 février 1831 à Fontenay-lès-Briis (91) domicilié chez sa grand-mère. Il est pensionnaire comme son frère à Arpajon. Flora, leur mère, à la même époque séjourne en Angleterre.

Ernest Camille Tristan Chazal 

Naissance le 22 juin 1824, décédé le 24 ou 25 février 1879 à Marseille, dans sa résidence Quai du canal, à l’âge de 54 ans. Il est fabricant de “registres, cartonnages et reliure”Un premier mariage le 19 janvier 1854, avec Arthémie Bover, couturière, (1830-1864) qui décède à l’âge de 33 ans. La famille habite, 16 A rue Haxo jusqu’en 1857, puis 24 allée de Meilhan. Ils auront 5 enfants, seule Albertine (1854-1900) survivra. Ernest se remarie le 10 octobre 1874, toujours à Marseille avec Ludovie Discours (1834-1882). 

Par une lettre du 12 janvier 1841 écrite par Flora TRISTAN à son beau frère Antoine CHAZAL, elle demande l’aide à l’éducation de son fils Ernest, âgé de 17 ans :

« C’est un adolescent qu’elle n’a pas élevé, qu’elle souhaiterait voir travailler et apprendre un métier mais qui refuse toute proposition. Elle l’informe que pendant 7 ans, son fils a eu “les plus pernicieux exemples”. Elle ne peut se faire obéir par lui. Elle écrit : “placé comme vous l’êtes, et à l’aide de vos relations, vous pourriez le faire rentrer dans l’administration, soit civile, soit militaire.”

Ernest est ensuite cité pour l’inventaire après décès de Flora TRISTAN, mais aussi dans des lettres de son père en prison, il serait dessinateur, puis démuni de tout, il aurait abandonné Paris pour trouver fortune en Afrique (sans précision).2

Lors de son mariage, il déclare le décès de sa mère en 1844 à Bordeaux. Son père André Chazal, “graveur”, est déclaré “décédé” mais il jure ignorer le lieu du décès et le dernier domicile de son père, aïeuls (aïeux????) et aïeule, ce qui revenait à anticiper de six années l’événement (survenu le 15 avril 1860, rappelons-le) et ne témoigne pas vraiment en faveur d’excellentes relations filiales. 3

Aline-Marie Tristan Chazal

Naissance le 16 octobre 1825, décédée le 7 juillet 1867 à Saint-Cloud (92). Elle est accueillie dans le Monde par cette déclaration de Flora :

«  Je te jure de lutter pour toi, de te faire un monde meilleur. Tu ne seras ni esclave, ni paria. Comment ? On dit serment d’ivrogne, serment d’amoureuses. Eh bien, les serments faits à ce que l’on vient de créer, à ce qui sort de vous, on doit les tenir … »

Une enfance ballottée ente fuites et pensions. La petite Aline suit sa mère dans ses déambulations. Pendant son long séjour vers le Pérou, en janvier 1833, Flora confie à Mademoiselle Bouzac qui tient la meilleure pension d’Angoulême, sa fille qui a 8 ans. Elle ne la retrouvera que deux ans plus tard à Paris. Est ce dû à son engagement littéraire de plus en plus politique et féministe ? Flora tient à ce que sa fille apprenne un métier qui lui donnera l’autonomie financière, même modeste. Le choix pour une jeune fille de l’époque est des plus réduits. Elle apprendra donc la couture, choix qui nous le verrons pus tard sera utile à Aline.

« J’ai fait de mes enfants des ouvriers » écrit-elle fièrement

Aline à 15 ans peint par Jules Laure

Aline est appréciée par l’entourage des relations maternelles. Elle n’a pas le caractère aussi tranché que Flora, mais a sa beauté. Peut être tient elle sa gentillesse et sa douceur de sa grand-mère Anne-Pierre Laisnay. Elle ne fréquente pas son frère Ernest, sauf lors du drame de 1837 son père va l’enlever et la contraindre. Le reste du temps, elle est chez sa grand-mère du moins jusqu’à sa mort en 1844 quelques mois après celle de sa mère.

Orpheline à 19 ans, Aline va hériter des amis de sa mère. La féministe Pauline Roland, la conduit à la fameuse pension Bascans, où la fille de la poétesse Marceline Desbordes-Valmore était surveillante, et celle de George Sand pensionnaire : Aline y trouve un emploi et l’amitié (?), le soutien (?) de Madame “George” Sand, qui n’oublie pas d’être la baronne Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil dans ses considérants.

« La fille de Flora paraît aussi tendre et aussi bonne que sa mère était impérieuse et colère. Cette enfant a l’air d’un ange ; sa tristesse, son deuil et ses beaux yeux, son isolement, son air modeste et affectueux m’ont été au cœur. Sa mère l’aimait-elle ? Pourquoi était-elles ainsi séparées ? Quel apostolat peut donc faire oublier et envoyer si loin, dans un magasin de modes, un être si charmant et si adorable ? J’aimerais mieux que nous lui fassions un soit ( toit?)que d’élever un monument à sa mère, qui ne m’a jamais été sympathique malgré son courage et sa conviction ? Il y avait trop de vanité chez elle. Quand les gens sont morts,on se prosterne ; c’est bien de respecter le mystère de la mort, mais pourquoi mentir ? Moi je ne saurais…. » 

La messe est dite Georges Sand règle ses comptes post mortem avec Fora Tristan, tout en ne voyant pour Aline qu’une solution : le mariage. Vision bourgeoise et classique du moment, reprise par d’autre ami.es de Flora, jouant à leur tour les marieuses. Heureusement le peintre Jules Laure veillait. En introduisant Aline dans le milieu des écrivains républicains où son nom attirait l’attention à mesure que la figure de Flora prenait sa dimension mythique, que ses idées se propageaient, il déclenche une rencontre entre Aline et le journaliste Clovis Gauguin. 4

En tout cas, le 15 Juin 1846 a lieu le mariage d’Aline Chazal Tristan avec Clovis Gauguin (1814-1849). Flora par jugement du divorce a pu, pour elle et ses enfants retrouver son nom de jeune fille. On verra que dans les actes officiels ses enfants conserveront intentionnellement ou pas le nom de Chazal. Outre le peintre Jules Laure on y trouve aussi l’oncle Antoine Chazal, témoin de la mariée. Le couple s’installe dans le nouveau quartier au 56 rue Notre Dame de Lorette. Une petite fille y naît le 25 avril 1847, on la prénomme Marie.

Paul Gauguin peint par Jules Laure

La naissance de Paul le 7 juin 1848, “l’enfant des barricades“, précède l’inauguration le 22 octobre 1848 de la stèle dédiée à sa belle mère, au cimetière de la Chartreuse. Clovis qui a mené la campagne pour son érection doit être présent pour son journal à à Bordeaux. La seconde République s’impose mais des divisions entre ouvriers et bourgeois aboutissent à une journée des barricades, le 13 juin 1849 menée par l’extrême gauche ouvrière et républicaine qui sera durement réprimée, les dirigeants poursuivis par la justice, les obligeant à passer à la clandestinité.

Les activités de journaliste républicain et radical oblige la famille pour fuir la répression à se réfugier au Pérou chez l’oncle Pio. Clovis décédera au cours de la traversée, et sera enterré à PORT FAMINE, Patagonie (Chili) Détroit de Magellan, en face de l’ Île Dawson, laissant seuls Aline et ses enfants qui commencent un séjour de 6 ans à Lima (1849–1855).

Port FAMINE au large du Cap de Bonne Espérance CLOVIS GAUGUIN y est mort et enterré peint par Dumont d’Urville en 1846

Illustration par E. Goupil-Dumont d’Urville en 1846

A son retour à Paris elle ouvre une entreprise de modiste rue de la Chaussée d’Antin avec une partie de l’héritage que lui a laissé son oncle Pio mort en 1856. Elle décède dans sa villa de Saint Cloud le 7 juillet 1867 (dimanche) à l’âge de 41 ans.

Nous continuerons l’histoire de leur vie dans un autre article concernant Aline et Marie au Pérou, et celle de son fils Paul Gauguin.

 

 

1https://masulipatan.wordpress.com/2015/01/22/andre-chazal-1796-1860-le-grand-pere-de-paul-gauguin/

4Flora Tristan la femme révolte de Dominique Desanti Hachette littérature 1972 p 310

 

Séries d'articles : Flora Tristan au Pérou

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